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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

20 Jul

Un Livre Que J'ai Lu (93) : De La Liberté Des Anciens Comparée à Celle Des Modernes (Benjamin Constant)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 Selon l’auteur, ce qui distingue la liberté des anciens de celle des modernes, est lié au rapport qu'entretien l'individu au collectif. En effet, la liberté des anciens est plus politique que celle des modernes, cette dernière est toute contenu dans les droits individuels (p9), la société, ne doit pas disposer à sa guise de l'individu. Cette distinction se clarifie davantage à travers l’activité économique et l’essor de la consommation où l’individu exulte en proportion des biens qu’il peut acquérir pour son seul plaisir. La liberté des modernes offre la possibilité à l’individu de jouir de la consommation massive et du loisir individuel. Ainsi les institutions sécurisent cet accès à la jouissance immédiate et privée (p29), c’est le droit de profiter à l’excès et sans permission de nombreux biens et de nombreux services. Le législateur veille donc à ce que ces droits ne disparaissent pas. C’est la mesure réelle de la liberté des modernes et elle constitue cette nouvelle citoyenneté.

 Concernant la liberté des anciens, Benjamin Constant souligne, à plusieurs reprises, qu’elle est basée sur le modèle antique. En effet, Athènes, Sparte et Rome représentent la soumission complète de l’individu à l’autorité de l’ensemble (p19), toutefois, l’auteur, à la page 20, précise qu’Athènes ne réprima pas autant la liberté individuelle que Rome et Sparte. Cette république, qui fut très commerçante, accordait à ses citoyens beaucoup plus de liberté individuelle (p26).

 Si les anciens ne privilégiaient pas les droits individuels, ils étaient davantage disposés à réprimer leur désir et à se soumettre volontiers à l’esprit de sacrifice afin de conserver leur droit politique (p28). Aujourd’hui, la notion de droit individuel apporté par la révolution française, a fait passer la liberté individuelle devant la liberté collective (p11). Si l’organisation sociale des anciens s’interpose à l’indépendance individuelle, elle n’accorde aucune place aux choix personnel tandis que l’organisation sociale des modernes fait jouir en toute sécurité l’individu des avantages du commerce et de l’industrie tout en lui permettant d'exprimer ses opinions à travers la liberté politique. Mais ce même individu ne ressent presque jamais l’influence qu’il peut exercer sur le corps social (p28), sa volonté se concentre sur l’avoir au sens marxiste et non sur l’être au sens Shakespearien. 

 Si Benjamin Constant aborde la question de l'antiquité, à la page 36, il constate le manque d’intérêt de la part ses contemporains pour cette époque-là,

" Plusieurs gouvernements de nos jours ne paraissent guères enclins à imiter les républiques de l'antiquité. "

ce que confirme finalement Nicolas Machiavel dans son discours sur la première décade de Tite-Live,

" Quand je considère, d'une part, la vénération qu'inspire l'antiquité, et, laissant de côté une foule d'autres exemples, combien souvent on achète au poids de l'or un fragment de statue antique pour l'avoir sans cesse sous les yeux, pour en faire l'honneur de sa maison, pour le donner comme modèle à ceux qui font leurs délices de ce bel art, et comme ensuite ces derniers s'efforcent de le reproduire dans leurs ouvrages; quand, d'une autre, je vois que les actes admirables de vertu dont les histoires nous offrent le tableau, et qui furent opérés dans les royaumes et les républiques antiques, par leurs roi, leurs capitaines, leurs citoyens, leurs législateurs, et par tous ceux qui ont travaillé à la grandeur de leur patrie, sont plutôt froidement admirés qu’imités ; que bien loin de là chacun semble éviter tout ce qui les rappelle, de manière qu’il ne reste plus le moindre vestige de l’antique vertu, je ne puis m’empêcher tout à la fois de m'en étonner et de m'en plaindre;… Toutefois, lorsqu’il s’est agi d’asseoir l’ordre dans une république, de maintenir les états, de gouverner les royaumes, de régler les armées, d’administrer la guerre, de rendre la justice aux sujets, on n’a encore vu ni prince, ni république, ni capitaine, ni citoyens s’appuyer de l’exemple de l’antiquité. "

 Les droits et les devoirs sont au cœur de cette notion qu'est la liberté. Les anciens privilégiaient le devoir dans le but de conserver la force politique alors que les modernes privilégient le droit afin de conserver leur expression individuelle. Georg Simmel, dans son étude sur le pauvre, aborde ces notions de "droit" et de "devoir" pour souligner le droit à l'assistance et le devoir à l'assistance. Chez les modernes, le droit est fondamentalement ligoté à la liberté individuelle et ce droit est garanti par une législation du confort. Le citoyen moderne, en échange de cette garantie, est prêt à renoncer à ses autres libertés et même à les placer entre les mains du législateur. Cette liberté individuelle est donc capable de déléguer des questions fondamentales comme l’avortement, la peine de mort et l'euthanasie, pourvu qu’on lui garantisse de conserver ses biens immédiats. 

 Pour exemple, lors des résultats des dernières élections européennes, en France, en mai 2019, les observateurs de la vie politique ont pu souligner le caractère rentier du bourgeois catholique. En effet, ce dernier a privilégié la rente au principe en votant pour le banquier Emmanuel macron. La bourgeoisie catholique n'est donc pas prête à supporter les privations au profit de la collectivité nationale au même moment où les gilets jaunes revendiquent des avancées sociales significatives. Ainsi, la liberté des modernes tend à détruire le collectif via la notion de patrie, cette dernière devient ennemi de la liberté des modernes car elle tend à privilégier l'harmonie du groupe et non l'harmonie individuelle. Malgré son éloge du patriotisme, à la page 48, Benjamin Constant ne devine pas ce que la décadence socialiste produira en matière de détestation de la patrie. La liberté politique qu'il vante à maintes reprises, notamment à la page 47, a fait de la France une terre où les communautés issues de l'immigration votent non plus pour l'intérêt de la patrie mais pour leurs propres intérêts. L'intérêt de la communauté est rendu supérieur à l'intérêt de la nation. La liberté politique par opposition à la monarchie, offre désormais la possibilité aux minorités de diviser et d'affaiblir la cohésion du peuple. Ce que les uns veulent, les autres ne le veulent pas nécessairement, le diktat de la minorité, grâce à la surreprésentation politique, le problème de la proportionnelle, influence considérablement l'état au détriment de la majorité silencieuse. 

 Toutefois la liberté politique n'aurait pas pu faire conserver au parti socialiste, en union soviétique, sa main mise sur l'état et sur le peuple si réellement elle avait pu s'appliquer. En effet le maniérisme despotique de l'Union des républiques socialistes soviétiques, a ôté toutes les libertés individuelles. Ce régime, en quelque sorte, représente la liberté des modernes dénaturée par la liberté politique car en détruisant l'ancien régime sous prétexte de vouloir donner le pouvoir au peuple, il lui a ôté en réalité, à ce même peuple, toute liberté. En ce sens le régime tsariste est plus proche, comparé au régime socialiste, de la liberté des modernes que de la liberté des anciens. Effectivement, le régime socialiste ressemble en bien pire au régime tsariste; ce que l'on condamnait chez les uns se confond sans peine chez les autres. Ce qu'il y a de pire dans la liberté des anciens se retrouve alors parfois dans la liberté des modernes sous une forme démocratique et qui converti promptement le despotisme en liberté.

 Nous allons établir, pour résumer la chose, grâce à ce petit tableau (ici), les principales particularités qui définissent la liberté des anciens (colonne de gauche) et celle des modernes (colonne de droite).

 - Dans la première colonne horizontale, la liberté des anciens s'établit sur l’intérêt commun, à savoir le corps social et politique tandis que la liberté des modernes privilégie l’intérêt privé, à savoir l'individualisme.

 - En ce qui concerne les droits et les devoirs, dans la deuxième colonne horizontale, communs aux deux liberté, la liberté des anciens privilégie les devoirs alors que celle des moderne privilégie les droits. Autrement dit les citoyens anciens donnent alors que les citoyens modernes reçoivent. En terme de responsabilité vous avez d'une part une société de l'être, à savoir la liberté des anciens, et une société de l'avoir, à savoir la liberté des modernes.

- Dans la troisième colonne horizontale, on va définir le rapport au politique . Pour les anciens, la préservation de l'expression politique est la plus importante des libertés, c'est pourquoi elle doit être au cœur du collectif. Pour les modernes, la politique doit être subordonnée à la liberté individuelle.

- Aussi, dans la quatrième colonne horizontale, le rapport entre le politique et l'économique s'exerce en fonction de l'importance que l'on accorde à sa personne. Evidemment, pour les anciens le pouvoir économique est entre les mains du pouvoir politique afin que ce dernier demeure le gardien. Pour les modernes, sachant que la liberté individuelle est primordiale, le pouvoir économique satisfait d'avantage l'individu et ce dernier le lui rend bien en le privilégiant, comme on l'a vu plus haut avec la bourgeoisie catholique.

- Pour finir, dans la cinquième colonne horizontale, chacune des libertés engendre une notion, celle-ci peut-être résumé par un seul mot. Concernant la liberté des anciens on peut parler de "privation" et concernant celle des modernes on peut parler de "Jouissance". A vrai dire l'une nous apprend le "NON" et le "NOUS" et l'autre le "OUI" et le "JE".

 En guise de conclusion, l'auteur précise qu'il faut apprendre à combiner la liberté des anciens à celle des modernes (p48) afin d'élever le citoyen à la plus haute dignité morale (p49). Si Simone Weil affirme qu'un homme seul n’a pas de droit, il n’a que des devoirs, la liberté des anciens est alors plus proche de la vérité que ne l'est celle des modernes. En ce sens, il faut reprendre les mots de Nicolas Machiavel sur la nature des gouvernements, lesquels, nous dit-il, se précipitent dans l'état contraire, tant le bien et le mal, au regard des désirs déréglés des hommes, tendent à s'inverser.

Antoine Carlier Montanari

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