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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

14 Apr

Un Livre Que J'ai Lu (84) : Le Pauvre (Georg Simmel)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Georg Simmel


Cet ouvrage de Georg Simmel est le complément objectif de son autre ouvrage précédemment fiché, "La psychologie de l'argent". En effet, l'argent selon l'auteur, est l'indicateur sociologique qui distingue le pauvre du non pauvre. Jusque là rien de nouveau, si l'on ne s'accorde pas de la définition philosophique de Frédéric Bastiat sur la richesse, celle de Georg Simmel permettra tout de même de mettre en évidence l'aspect psychosociologique de la pauvreté où il faudra distinguer le sentiment de la pauvreté et le non sentiment de la pauvreté. Dans les deux cas la pauvreté demeure.
 

L'auteur va donc user d'une sémantique juridique pour situer le pauvre au sein de la société. Les mots "droit" et "devoir" vont alors être usités pour corréler les hommes aux hommes et pour distinguer les rapports moraux qui les lient entre eux. Ainsi le "devoir" d'assistance (p9) s'applique à celui qui peut donner et le "droit" à l'assistance (p11), à celui qui n'a rien à donner. L'aumône est donc ce caractère charitable qui est obtenu par celui qui est en "droit" de l'obtenir. L'assistance privé comme l'assistance publique est dans la position du devoir moral de donner sous principe, dans l'ordre voulu par Dieu (p12), de la solidarité humaine. Ainsi le "droit" à l'assistance est un droit fondamental et objectif dans la mesure où celui-ci est corrélatif à l'esprit de charité présent dans la société.

Georg Simmel réactive alors le logiciel christique en rappelant les paroles du Christ au jeune homme riche, "Offre aux pauvres tes biens" (p14). Georg Simmel précise que le Christ moralise en faveur du renoncement plutôt qu'à la notion de réduire l'état de pauvreté. En effet pour le salut de l'âme il est nécessaire d'apprendre à se détacher du monde. Le pauvre est donc aux yeux du Christ une variable d'ajustement permettant de mettre le collectif face à la notion de renoncement. Notez la subtilité de la demande, en effet le Christ en demandant au jeune homme riche de se dépouiller il lui demande en réalité de devenir un pauvre. Pour le Christ, le véritable riche est pauvre du monde. Mais pour le monde, le pauvre est un inconvénient susceptible de s'en prendre au bien public et privé (p17). Ce sens de l'assistance octroyé par la société civile, à travers tout un tas d'aides sociales, ne fait en réalité qu'acheter la paix sociale et non de soulager la misère individuelle. Cette aide intervient dans le seul intérêt de la société et en proportion de ce que exige la pauvreté pour ne pas la déséquilibrer (p18).

Cette cohésion sociale est donc maintenu par des artifices législatifs d'aide aux personnes les plus défavorisés afin de préserver l'unité sociale difficilement acquise. Toutefois dans cette relation au pauvre, le donateur, le citoyen à travers l'impôt, bénéficie du sentiment d'avoir accompli son devoir moral vis a vis de la société. Cette sorte d'assistance peut épargner l'aumône directe, toutefois l'individu qui offre l'aumône par charité chrétienne, signe-là un choix individuel. Il faut préciser la particularité qu'exerce cette assistance sur l'individu, en effet elle peut obliger perpétuellement la donation sous peine de ressentir une amertume qui ne serait pas ressenti autrement (p33, p34). En effet la donation entraîne ce sentiment particulier d'assister continuellement celui que l'on a commencé à assister, ce rituel établit un lien d'assistance qui offre au donateur une position de supériorité morale. Cette force d'assistance mû le donateur et lui fait sentir de la satisfaction. Ce stimuli de satisfaction peut imprimer au caractère un amour de soi qui pousse l'âme dans les bras de l'orgueil.

Mais pour en revenir à l'assistance public, outre les associations caritatives et d'entre-aide à la personne, l'état par l'intermédiaire de ses institutions doit assurer la rémunération d'un nombre non négligeable de fonctionnaires dédiés à la cause (p40). Cette action collective définie le minimum éthique de la société et elle s'adresse avant tout à la pauvreté dans sa dimension sociologique. Ce sentiment qui anoblit le collectif et qui est l'expression minimale du caractère positif de ce même collectif n'est toutefois pas si évident tant l'état qui conditionne l'aide aux plus défavorisés se sert de l’impôt pour financer cette aide. En 1900, pour l'exemple, les suisses ont largement refusé, lors d'un référendum, une loi  d'assurance maladie et d'accident voté par le Conseil national et le Conseil des Etats (p45). Cette législation du devoir est contraignante pour les uns et ne favorisent pas forcément l'unité du groupe. C'est pourquoi nous dit Simmel, en se rapportant à l'Islam et au judaïsme, que le caractère unificateur qui se constitue sur ce que tu ne dois pas faire au détriment de ce qui encourage au bien est d'abord négatif (p49). Ainsi le lien positif unificateur se construit non pas sur l'interdiction mais sur ce qui doit être fait. Le fait de se saluer par exemple, entraîne non le respect à la personne mais l'obéissance à un code moral collectif et qui est le symbole d'une disposition intérieure positive. Le moindre écart à cette norme sociale traduit une disposition intérieure négative.

 Ainsi quand le collectif est disposé à tendre la main au pauvre, ce collectif se situe d'abord dans une disposition morale positive. De ce fait le point de vue subjectif est dépassé et l'acceptation inconditionnelle de cette aide fait sortir l'individu de sa personne pour le faire entrer dans le collectif. D'un point de vue sociologique le donateur se situe dans la position de celui qui assiste, tout naturellement celui qui est assisté est considéré comme un pauvre (p79). C'est exactement en ce sens que le pauvre est classé sociologiquement par l'état. Dans cette perspective l'individu qui reçoit des aides directement de l'état est considéré comme un pauvre institutionnalisé. L'individu est ainsi établi comme pauvre sans que jamais la chose ne soit dîtes afin que l'individu ne sente pas le sentiment de pauvreté qui lui a été assigné par le collectif. Nombre d'individu sont ainsi entrés dans ce cercle de la pauvreté définit par l'état et jamais ils ne se définissent comme tel. Mais la prise en compte par le collectif de ce cercle dans le corps social n'est jamais effective puisque les aides demeurent pratiquement invisibles.

 Quand l'exclusion n'est plus visible, quand l'individu n'est plus dehors, n'est plus marginalisé grâce à l'assistance public, alors le caractère apparent de la pauvreté disparaît et la pauvreté n'est plus formelle, elle n'est plus apparente au regard du collectif. Ainsi ce même collectif, qui sans jamais avoir effacé la pauvreté et qui a tout de même effacé le sentiment de pauvreté, tâche de vivre à son aise dans une souveraine tranquillité et une indifférence de la misère qui afflige une bonne partie du monde.

Antoine Carlier Montanari. 

 

 

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S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. A bientôt.
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A
Merci pour votre commentaire et je précise ici, pour vous, que si cela vous intéresse, j'ai posté sur ma chaîne Youtube mes analyses en vidéo des livres que j'ai lus.<br /> Voici le lien:<br /> https://www.youtube.com/channel/UCLymixPghegIDAGOPk1-_3g?view_as=subscriber

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