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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

16 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (82) : Parler Juste Aux Enfants (Françoise Dolto & Danielle Marie Lévy)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Françoise Dolto

 

 L'homme est un être de communication et de langage, une fois ce postulat énoncé Françoise Dolto met en évidence l'aspect grégaire et conformiste de la nature humaine et cet aspect se retrouve tout d'abord dans le schéma familial. En effet la cellule parentale est cette matrice linguistique et phonétique essentielle pour le devenir de l'enfant. C'est pourquoi le rapport aux mots prononcés va être décisif, les questions que les enfants se posent doivent trouver des réponses qui vont dans le sens de la vérité (p18), c'est revitalisant et fait tout naturellement progresser sa motricité (p16). Le rapport à l'adulte est essentiel pour l'enfant, c'est de l'adulte qu'il va obtenir la vérité ou le mensonge sans qu'il puisse jamais le remettre en cause. Si donc il s'aperçoit que ses parents lui ont menti, il sera d'une certaine manière méfiant à l'encontre du monde des adultes et des adultes eux-mêmes. Il ne peut certes remettre en cause les paroles des adultes parce qu'il croit que ces derniers ont tous les droits sur lui (p17), et n'ayant pas encore les armes intellectuelles pour révéler le mensonge, il va grandir avec des postulats dont la nocivité sera proportionnelle au degré de sophisme des paroles données et aux erreurs de jugement énoncées par les parents. C'est pourquoi Françoise Dolto insiste bien sur le fait, à la page 18, qu'il ne faut pas mentir aux enfants, il faut tout du moins les mener intelligemment vers le vérité si celle-ci s'avère trop douloureuse.

 À propos de la sexualité il faut toujours l'associer à l'amour (p28), il faut tout de même expliciter l'amour platonique et spirituel de l'amour charnel pour que l'enfant n'amalgame pas l'amour au sexe. Cette dissociation est très importante tout comme la différence des sexes. L'enfant l'assimile en fonction d'abord de son prénom dont la prononciation orale lui permet de s'identifier sexuellement (p28). Le prénom enracine l'identité sexuelle dans l'enfant, il apprend ainsi, outre son propre sexe, la catégorie dans laquelle il est enregistré pour aller aux toilettes publiques. Sans cette identification, nous dit Françoise Dolto, on est des zombies (p29). Pour preuve, certains prénom qu'on nomme double, comme Claude et Dominique, peuvent entraîner, s'il n'est pas explicité très tôt, une ambiguïté ou un trouble identitaire, la rencontre avec un autre enfant de sexe opposé qui porte le même prénom que le sien peut le mettre mal à l'aise. En ce qui concerne la reconnaissance du sexe en tant que tel par l'enfant, les poupées spécifiquement masculines ou féminines permettent d'établir un contact visuel objectif. Le fait d'habiller la poupée permet également l'apprentissage de la vertu en évitant l'exhibition. Il faut également savoir que l'enfant est malgré lui soumis olfactivement aux odeurs de leur mère au moment des menstrues (p19). Ce paramètre sexualise la mère et par opposition le père. Aussi nous dit Françoise Dolto à la page 33, si l'enfant ne distingue pas correctement la fonction génitrice de chacun de ses parents, c'est désastreux. N'en déplaise donc aux adeptes de la théorie du genre qui sévissent aujourd'hui au grand jour, l'alchimie biologique homme femme est salutaire. Il y a un seul père et une seule mère, un père de naissance et une mère de naissance (p33). 

 A propos de l'enfance, certains parents n'en n'ont pas fait le deuil (p41), c'est pourquoi ils ont une tendance à puériliser leurs enfants en leur faisant plaisir systématiquement, c'est un piège qui entraîne à l'infantilisation des deux parties. Si l'amour est associé au cadeau c'est en quelque sorte acheter l'amour (p77), finalement renoncer à faire plaisir avec le cadeau c'est faire expérimenter à l'enfant la relation à l'adulte, autrement dit rien est gratuit (p43). À un degré moindre, nous dit l'auteur à la page suivante, c'est se dégager du plaisir de l'inceste, inceste voulant dire "pas séparé".  Il est donc essentiel de garder l'émerveillement dans le quotidien que l'enfant possède tout en se tournant vers l'avenir et l'adulte en devenir qui sommeille en lui. Il est un exemple que tout parent devrait connaitre pour comprendre ces mots, Cathy la petite fermière est une série animée japonaise créée en 1984 et basé sur un roman de l'auteur finnois Auni Nuolivaara. Cette série
 montre la maturité d'une petite fille dont le comportement est proche de la sainteté. Malgré les difficultés du quotidien Cathy fait preuve d'abnégation, de courage, de douceur, d'altérité et de courtoisie. Aussi, aujourd'hui, la société cramponne trop longtemps les enfants à leur enfance (p48), elle en fait des adultes adolescents qui n'ont jamais vraiment quitté leur enfance, ils seront toujours dans l'idée de la consommation perpétuelle à travers la gratuité permanente des choses, c'est consommer sans produire.

 La relation de l'enfant aux personnes âgées est également au cœur de l'ouvrage. On doit pouvoir comprendre que comme pour les enfants les personnes âgées n'ont plus la même notion du temps ni même le rapport à l'espace (p51). Ils sont pour les enfants des routes de campagne alors que les adultes sont des autoroutes (p53), les vieillards savent tout et les parents font tout (p52). Si de nos jours le Capital les a rangé dans des tiroirs au même titre que d'anciennes factures, ils demeurent tout de même les dépositaires du passé dont les paroles peuvent très bien bercer la jeunesse à travers des histoires pleines de bons sens et de bons sentiments, à la condition qu'ils aient, par le passé, côtoyés des œuvres biens inspirées telles que celles, comme on vient de le voir, de Cathy la petite fermière.

 Le chapitre concernant le sacré est un chapitre très jungien où Françoise Dolto fait intervenir la crèche et le Père Noël comme des archétypes fondamentaux pour l'enfant. En effet si le père Noel est une espèce de roi mage qui apporte les cadeaux (p59), il revalorise en quelque sorte l'enfant et l'intronise comme Jésus le fut lorsque les rois mages vinrent  l'honorer. Cette irruption du gratuit dans la vie de l'enfant est l'apprentissage du don à travers le cadeau offert mais également du don de la vie pour les parents à travers l'enfant né au monde. C'est pourquoi la crèche à travers la Sainte famille, pour les chrétiens, est une image de la famille idéale. C'est la première rencontre de l'enfant avec le sacré, avec la nativité tout devient symbole. D'une part l'âne et le bœuf représentent la chaleur humaine à travers la chaleur animale (p64), c'est l'expression du lien affectif et consolateur, en ce sens-là le soutient des autres est vital. D'autre part le sapin de Noël est cette végétation toujours verte en plein hiver au moment même où la végétation est en berne et que les animaux se terrent et hibernent en attendant le printemps (p60), c'est l'expression du renouvellement et de la résurrection, c'est le vivant parmi les morts (p65).  De plus le Christ dans la mangeoire c'est le Christ eucharistie, il est cette nourriture en devenir destiné à alimenter spirituellement toute l'humanité. C'est pourquoi le repas de Noël en présence de toute la famille autour de la table est cette résurgence de la sainte Cène où le Christ devant les apôtres va présenter le pain et le vin comme sa chair et son sang, 

"Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour." (Jean 6,54)
 

 C'est pourquoi nous dit Françoise Dolto, à la page 79, le cadeau de Noël est un cadeau à l'enfance éternelle et c'est le seul vrai cadeau finalement en réalité puisqu'à travers ce bébé qu'on admire dans sa mangeoire on admire un don du Ciel offert gratuitement.

 Aussi cet enfant mignon et appétissant gigotant dans son berceau peut être câliné par sa mère au point que celle-ci le dévore de baisers, le mordillant et l'embrassant jusqu'à satiété (p96, p97). Cette mère lui transmet des sensations sensuelles qui sont de type incestueuses car depuis la rupture du cordon ombilical, nous dit Françoise Dolto, la mère ne fait plus un avec son enfant. C'est le début, nous dit la psychologue, de ce que nous appelons la castration (p97). En ce sens c'est l'affirmation de la relation totale interdite entre l'enfant et la mère. Ce cordon se reforme en quelque sorte avec l'allaitement au sein et offre à nouveau cette unité perdue, c'est également l'apprentissage du baiser à la mère.

 La relation avec les mots, avec les mots justes est donc importante. L'enfant s'il apprend à différencier dans un premier temps le père de la mère à l'aide de la perception olfactive, n'oublions pas à ce propos que l'enfant est passé à travers les voies génitales de sa mère (p98), il perçoit d'avantage in utero la voix du père, une voix basse aux fréquences basses que la voix de la mère aux fréquences hautes (p97). Aussi la berceuse au moment de l'endormissement de l'enfant ou le jeu des mobiles dans l'air pour l'enfant sourd, a pour objectif de reproduire le rythme lent perçu et entendu dans le ventre de la mère (p105). Ce rythme c'est le même que celui du cœur de la mère, l'enfant était bercé de l'intérieur, aussi lorsqu'il émerge il ne cesse de rechercher cette sensation de plaisir fœtale qu'il a connu. 

 Un petit mot tout de même a propos de cet ouvrage qui est une suite d'entretiens entre notre psychanalyste et Danielle Marie Lévy, psychanalyste et cofondatrice avec Françoise Dolto de l'association d'aide aux enfants sourds (AEC). En effet la dernier entretien de ce livre qui débute à la page 89, a été réalisé deux mois avant la mort de Françoise Dolto, soit en juin 1988. Au regard de son œuvre écrite et notamment celui sur la mort qu'on a pu analyser dernièrement, il parait évident que sa perception psychanalytique du monde est une bonne alternative aux dinosaures de cette catégorie. Nous aborderons et nous verrons donc prochainement quels sont ses points de focalisation et ses méthodes d'analyses, notamment sur l'enfance dont le regard est, pour ma part, plein de cette féminité bien comprise.

 Pour conclure nous allons compléter cette fiche de lecture avec un article du monde paru le vendredi 8 février 2019. Cet article est une critique d'un livre de Wilfried Lignier, chercheur au CNRS. Le journaliste Gilles Bastin décrit pour le lecteur la teneur de cet ouvrage intitulé "Prendre. Naissance d'une pratique sociale". En effet ce geste que l'enfant accomplit et qui permet de s'approprier une chose, est décortiqué par l'auteur afin d'expliquer la naissance du rapport social. Un objet dans la main pour entrer en relation, c'est l'interface sensorielle et matérielle qui mène à l'interface sensorielle et spirituelle. Aussi Wilfried Lignier, à travers un extrait de son livre, explique que cette appropriation du monde est déjà naturellement présente en nous. Cette appropriation qui peut-être une réappropriation mais également une désappropriation du point de vue de celui qui perd, est un processus social formateur pour l'enfant qui apprend ainsi, sous la loi du partage, à sentir l'énergie sociale, laquelle, nous dit l'auteur, émane de la crèche, de la pouponnière ou de la garderie. Toutefois elle préexiste de manière archétypale dans la Crèche de Bethléem pour laquelle l'enfant rayonnant dans sa mangeoire apprend aux hommes, à travers les rois mages, à lâcher-prise avec le monde matériel en faisant don de ses biens aux plus petits d'entre nous.

Antoine Carlier Montanari

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