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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

02 Mar

Un Livre Que J'ai Lu (80) : La Prescience De Dieu, La Prédestination Et La Liberté Humaine (Claude Tresmontant)

Publié par Alighieridante.over-blog.com

 Suivant le Littré, le mot "Prescience" signifie la connaissance particulière que Dieu a des choses qui ne sont pas encore arrivées, et qui ne laissent pas de lui être déjà présentes. Du latin "praescientia", d'une part "prae" qui signifie avant et "scientia" qui signifie science. Ainsi l'auteur, Claude Tresmontant, philosophe, helléniste et hébraïsant, sonde en quelque sorte les racines de l'humanité à travers la source biblique. Pour cela il va utiliser le terme "phylum" dont la signification s'articule autour de la notion d'embranchement généalogique. Le peuple hébreu va donc constituer à ses yeux ce phylum nouveau délaissé des scientifiques qui, quant à eux, étudient celui de l'homo sapiens sapiens (p8). Ce petit peuple qui par deux fois a été sauvé des eaux, se développe environ depuis quarante siècles, est ici étudié par l'auteur afin de comprendre les motivations de Dieu. Pour conclure cette fiche de lecture nous aborderons, à travers une interview de l'historien Yuval Noah Hariri dans le journal Libération, le phylum homo sapiens sapiens.

 Le mot "pré-adapté" va être donc utilisé pour parler du mécanisme de l'évolution de l'univers, les astrophysiciens se servent de ce terme pour lier le passé avec le futur. Aussi le phylum hébreu est un nouveau type d'humanité dont la Torah est une nouvelle programmation en vue d'une autre finalité que celle prétendument accordée à l'home sapiens sapiens. Si Claude Tresmontant nous fait constater la supériorité de cette nouvelle programmation sur celle de l'homo sapiens sapiens par l'intermédiaire du décalogue et des principes apportés par les prophètes hébreux (p9), il rejoint en ce sens les propos de Spinoza rapportés par le professeur Victor Brochard,

"Mais avant d'aller plus loin, je veux marquer ici expressément l'utilité et la nécessité de la sainte Ecriture ou de la révélation, que j'estime très grande; car, puisque nous ne pouvons, par le seul secours de la lumière naturelle, comprendre que la simple obéissance soit la voie du salut, puisque la révélation seule nous apprend que cela se fait par une grâce de Dieu toute particulière que la raison ne peut atteindre, il s'ensuit que l'Ecriture a apporté une bien grande consolation aux mortels. Tous les hommes, en effet, peuvent obéir; mais il y en a bien peu, si vous les comparez à tout le genre humain, qui acquièrent la vertu en ne suivant que la direction de la raison, à ce point que, sans le témoignage de l'Ecriture, nous douterions presque du salut de tout le genre humain." (1)

 Le phylum homo sapiens sapiens est donc ce type d'humanité massacreur et qui pour des raisons de suprématisme objectiviste forme des despotes dont la grammaire ontologique réduit l'homme à l'esclavage ou le voue à l'extermination. Pharaon comme Hitler sont ces archétypes sapiens sapiens qui pratiquent de manière exemplaire la sélection naturelle. Si l'homo dit sapiens sapiens, nous dit l'auteur à la page 10, est le phylum objectif de l'intelligence moderne, la suite naturelle à ce rationalisme mène forcément au modèle le plus aboutit de cette programmation, à savoir l'antéchrist. Le phylum hébreu a été pré-adaptée pour recevoir la révélation formatrice et créatrice afin de la communiquer aux nations païennes (p10). Cette prédestination du peuple juif se destine a enfanter en son sein le fils de Dieu depuis le ventre immensément saint de la Vierge. Ainsi le Christ est l'ultime étape de la Création (p21) et cette nouvelle création préétabli dans le phylum hébreu est une pure grâce. L'homme est ainsi uni à Dieu et même l'homo sapiens sapiens, s'il le désire, peut être uni à Dieu, toutefois il demeure dans les ténèbres s'il ne se raccorde pas au phylum judéo-chrétien.

 Le caractère obligatoire de cet axe salutaire, vérifié par le Christ lui-même quand il dit, "Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi." (Jean 14.6), établi une liaison entre la terre et le Ciel dont la portée universelle à travers l'Eglise catholique trouvera sa consécration dans la transsubstantiation. Le corps du Christ est la clé donnée à Pierre sur le tabernacle et qui désormais est le transporteur vital des âmes. Ainsi si le Fils est le chemin qui mène au Père, Jean Dun Scot (1266-1308) se demande si le Christ  a été prédestiné à être le fils de Dieu (p22)? Dun Scot répond lui même en affirmant que le Christ n'a pas été prédestiné à cause de la chute de l'Homme (p25), tout d'abord le Christ est ce chef d'oeuvre de l'homme parfait qui est intrinsèquement uni à Dieu. Il est la finalité Dieu fait homme et il ne peut être conditionné à quelque événement qui soit, puisque la finalité de la Création se réalise par lui, avec lui et en lui. Et puisqu'il est le plus près de Dieu dans l'ordre des réalités extrinsèques, il est l'alpha et l'oméga, il répond du début et de la fin, il est la connaissance accessible immédiate de Dieu qui comble le besoin naturel de l'homme de déterminer d'où il provient. Si l'homme connait Dieu il est comblé car il obtient de Dieu la cause la plus noble de son existence (p30). 

 Le but et la finalité de la vie se réalisent donc dans la personne de celui qui s'appelle lui-même le fils de l'Homme (p40). Le Christ prédestine donc le salut de toute l'humanité à travers la liberté sainte obtenue sur la croix. La dégradation, la déchéance, la chute depuis le paradis perdu a mesuré le temps et ce temps a installé une fin des temps pour chaque homme comme une fin des temps pour l'humanité toute entière. Et cette fin devient insoluble au regard de l'éternité qui est toute entière simultanément et procède de l'immutabilité, autrement dit de ce qui ne peut changer, c'est pourquoi le Christ en demeure du Père devient ce médiateur qui ressoude l'unique liberté incréée et les multiples libertés créées (p42). Il est la croix et avec elle il compose cet échafaud ascenseur où l'axe horizontal s'élève sur l'axe verticale pour mener au Ciel. Ce mouvement créé par Dieu qui est son propre acte d'être immuable (p43), est tout aussi mesuré par le temps que par son éternité. D'où il résulte manifestement une réappropriation du temps dans l'éternité par la résurrection de son Fils bien-aimé. La réalisation d'un tel événement a rendu caduque le temps en faisant pénétrer l'éternité dans le temps.

 Pour Leibniz (1646-1716) l'homme qui n'est pas régénéré doit être considéré comme un homme mort (p63). Le Christ, qui est le pur ouvrage de Dieu, est ce mouvement régénérateur qui sauve de la damnation. Il est la matière divinisée qui ne meurt pas et qui doit être avalé pour ne pas mourir. Ce nouvel enfantement, ce fils nouveau qui régénère est l'acte qui va achever cette création inachevée. Aussi le ventre de la Vierge est cette matrice pure et parfaite qui va engendrer la correction universelle au processus de décomposition en cours depuis le péché originel. La femme de l'apocalypse, au chapitre 12, revêtue de soleil et la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles (p74), est alors apparu sur la scène de l'histoire avec son enfant dans les bras et a fait agenouiller par son sourire et par ses larmes des millions d'âmes dont les doigts égraineront par milliards des Ave Maria. L'enfant roi qui trouva sa plus belle image à Prague devient l'éternité visible et toute sa nature réalise un progrès objectif dans l'humanité. Sa présence préforme la finalité et conduit la création inachevée vers son achèvement par le salut de toute l'humanité. 

 Le phylum hébreu et chrétien offre en comparaison du phylum homo sapiens sapiens, une finalité qui fera dire à Leibniz qu'il existe quelque chose plutôt que rien (p54). Le déploiement du corpus homo sapiens sapiens, au regard de la condition humaine, mène dans un cul de sac. A vrai dire ceux qui se disent sapiens sapiens ont constitué une religion qui ne dit pas son nom à travers les figures de la Terre-mère et de l'icône républicaine Marianne. Ces cultes a potentiel marial, structurent tout de même une religiosité inconsciente où l'homo sapiens sapiens pressent un créationnisme monothéiste. L'auteur, Claude Tresmontant, nous explique à la page 28 que ce désir naturel de voir Dieu, que l'homme le sache ou non, qu'il l'avoue ou non, qu'il le reconnaisse ou non, est présent et opère en tout homme puisqu'il a été créé de Dieu. Ainsi l'homo sapiens sapiens se comporte à la manière de l'orphelin qui refuse de rechercher son vrai père.

 De ce point de vue, la non présence immédiate de Dieu permet à la liberté de l'homme de s'exprimer pleinement. Le diable n'a pas d'autre choix que de refuser Dieu car il a la pleine conscience de Dieu, il ne peut se soustraire à cette connaissance. Quant à l'homme il dispose à la fois du refus de Dieu et de l'ignorance de Dieu. Mais depuis le Christ, depuis la présence visible de Dieu, l'homme ne dispose plus de la même ignorance de Dieu. La venue du Christ a fait entrer l'homme dans une connaissance plus approfondie de Dieu, c'est pourquoi l'homme est devenu de plus en plus satanique, c'est l'ère de l'antéchrist et avec elle la liberté de l'homme est de plus en plus borné au seul refus de Dieu.

 Pour clôturer cette fiche de lecture, en écho à ce phylum homo sapiens sapiens, un article de Libération du 19 janvier 2019 va nous servir de conclusion pandémoniaque. En effet le journaliste Christophe Alix interroge le célèbre historien Yuval Noah Harari à propos de l'avenir de l'humanité. Ce long entretien remet en cause la nation avec un parti pris clairement affiché contre le président américain Donald Trump. Si l'oeuvre d'Harari est particulièrement apprécié de l'ancien président Obama et du fondateur du réseau social Facebook, Mark Zuckerberg, c'est que Yuval Noah Harari est un historien libéral qui au sens de Claude Tresmontant appartient au phylum Homo sapiens sapiens. Il estime évidemment le filon évolutionniste comme objectif et digne d'intérêt. Il s'est donc écarté comme le fameux auteur de l'Antéchrist et du Gai savoir, de son monothéisme pour se tourner vers la notion de progrès moral sans Dieu. Il est de ceux, comme le souligne Claude Tresmontant, qui néglige d'étudier d'une manière objective et scientifique ce peuple hébreu qui se développe environ depuis quarante siècles (p8 du livre de la fiche de lecture). Mais pour Harari le judaïsme, pour reprendre ses mots, n'a joué qu'un rôle modeste dans les annales de notre espèces.

 Yuval Noah Harari représente donc l'intellectuel messianique universaliste nietzschéen apocalypticien. Sa logorrhée est centrée sur une idée de communauté mondialisée dont l'objectif serait d'obéir à un gouvernement unique. A la question du journaliste sur une identité mondiale, il répond que le nationalisme n'a rien de naturel et qu'il est préférable de se tourner vers un tribalisme mondialisé tout en transférant une partie de notre loyauté à une identité globale. Cette nouvelle programmation idéologique qu'il prône est un type d'humanité résolument adossé à un laïcisme pacifique. Pour Claude Tresmontant cet homo dit sapiens sapiens a réduit la finalité de l'univers à ce que nous voyons. Si Tresmontant soutient que la langue hébraïque a été pré-adapté pour recevoir et transmettre la Révélation (p10), pour Yuval Noah Harari il n'en est rien, l'historien réduit la religion à un ensemble d'histoires vouées à réduire la souffrance du quotidien.

 En ce qui concerne la souffrance, qui depuis le Christ sur la croix a été transfigurée pour apporter le salut, et en écho aux paroles même du Christ, "Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée."(Matthieu chapitre 10, verset 34), Yuval Noah Harari, prêche l'inverse malgré qu'il ait étudié au Jesus collège de l'université d'Oxford. Son implication morale abandonne la souffrance au profit d'une métaphysique de l'éthique positiviste. Pour lui la notion de frontières terrestres et géographiques, au moment où les nationalismes progressent, et en l'absence de mise en place de solutions globales, entraînera le chaos. Pour l'auteur israélien les frontières ne peuvent affronter ni réguler les dérèglements à grande échelle. Ce qu'il prône est une donc gouvernance mondiale de type babélienne où l'homo sapiens sapiens aura anéanti la foi dans le ciel. Les masses, pour paraphraser Peter Sloterdijk, se seront ainsi émancipées de la fable du paradis céleste et ne porteront plus leur misère terrestre avec la patiente du christianisme pour aspirer à la félicité sur cette terre grâce à l'économie de marché. 

 Le journal a fait le choix d'un dessin en guise d'illustration de l'article. On y voit la planète terre fragmentée par des nationalistes en mouvement qui tiennent fermement des drapeaux dont la forme est un morceau arrachée de l'hémisphère. L'artiste a ainsi interprété l'essentiel du message de Yuval Noah Hariri sur la nocivité des frontières et des nationalisme. A vrai dire, son message tient d'avantage de l'avertissement que de la prophétie, "Tout ce que j'essaie de faire, dit-il à la toute fin de l'article, est d'utiliser mes connaissances historiques pour essayer d'établir des scénarios possibles... A travers mes livres j'essaye de faire prendre conscience de ces horizons auquel nous n'attachons pas toujours assez d'importance." 

 Cet homo sapiens sapiens donc, athée forcément et pratiquant la méditation issue de la tradition spirituelle orientale, ne cherche en réalité qu'un substitut à son monothéisme de culture et un substrat spirituel à la réalité du monde telle qu'il l'a voit. En effet son spiritualisme basé sur les enseignements du bouddhisme theravada rejette catégoriquement l'idée d'un dieu créateur et tout puissant. Yuval Noah Harari est donc issue de ce phylum homo sapiens sapiens qui analyse l'histoire naturelle de la création sans l'apport de la Révélation, en d'autres termes il n'est pas un rationaliste intégral, il a simplement évacué la question du créationnisme pour la simple raison qu'il n'y croit pas. Ainsi donc comment cet homme qui par ses connaissances ne peut répondre à la question de Leibniz sur le pourquoi du comment pourrait-il par ses mêmes connaissances envisager le salut de toute l'humanité? Certes il peut discourir et proposer des solutions viables sur des données objectives et ciblées, encourager telle ou telle mesure en fonction des problématiques immédiates mais il ne peut établir de solutions à long terme quand il évacue de son analyse le phylum monothéiste et ignore celui du mal à travers la figure de Satan. On peut adresser à Yuval Noah Harari, ces propos du poète allemand Einrich von Kleist,

" Nous avons beaucoup d'écrits au style mordant, où l'on se refuse à convenir qu'il existe un dieu. Mais nul athée, autant que je sache, n'a réfuté de façon probante l'existence du diable." 

  On peut ainsi constater que la seule lumière naturelle ne peut fournir une aussi grande consolation aux mortels que celle apportée par la Révélation. Ce moteur énergétique qu'est la Révélation a bien engendré des hommes comme Moïse et Jésus dont on peut dire aujourd'hui qu'il n'y en a pas eu de pareils en dehors de cette même Révélation. A savoir si Yuval Noah Harari circonscrit le champs des possibles, à vrai dire, comme on vient de le voir, il a exclut d'office celui de la révélation. En terme de possibilité et de probabilité, pour un historien rationaliste, il est peut-être aussi aveugle que les savants de l'époque de Noé avant le déluge.

Antoine Carlier Montanari

 

(1) Victor Brochard, Le Dieu de Spinoza, Ed.Manucius, p30 et p31

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