Divertissement Apocalyptique (5) : The Cloverfield Paradox (Julius Onah, 2018)
L'accélérateur de particule est cette porte des enfers. Le voilà le risque systémique, l'accident universel de l'hyper vitesse numérisée où la compression temporelle courbe l'espace réel à sa volonté afin d'accélérer le temps sédentaire humain. La technologie a fait de la terre un échiquier parfaitement plat où s'affrontent des multiples entités dont la grande majorité de l'humanité ignore car dupé par son dieu argent qui monopolise toute son attention. Cette perte de conscience qui fait des hommes des automates de leur propres créations tout en se déclarant être des chercheurs faisant le travail de Dieu. Cette civilisation numérique marque l'apogée de la science sans conscience. Tout cela débouche tout naturellement sur le concept girardien de la puissance illimitée entre les mains d'organismes sujets à la rivalité mimétique.
La station Shepard est cette arche maudite où 7 hommes et femmes forment l'équipage dont le nombre rappelle bien évidemment celui qui constitue le Nostromo dans Alien, le huitième passager. La femme retrouvée dans les câbles, derrière la cloison et qui se nomme Jensen, peut-être alors considérée comme ce huitième passager. La scène de la mort de Volkov où il recrache les vers qui demeuraient dans son corps, ressemble étrangement à la scène où l'alien, pour sortir, perce le thorax de l'un des 7 membres d'équipage du Nostromo. Les vers ne sont que la représentation symbolique de la mort en mouvement. Jensen comme on pourra le constater s'avère bien être ce huitième passager qui tente de prendre le contrôle de la station. D'ailleurs il est à noter qu'elle sera expulsée dans l'espace de la même manière que l'alien. Ces points communs ne font que confirmer le rôle fondateur du film de Ridley Scott dont la créature est le symbole de l'aliénation que Marx avait théorisé à travers l'anthropophagie du Capital.
Ce huit clos peut- être également vu comme la représentation de la géopolitique mondiale où les différentes nationalités présentent dans le Shepard, sont les représentations respectives des grandes nations terriennes. Il y a tout naturellement des conflits d'intérèt assez représentatif de ceux qui existent déjà dans le monde et cette mini universalité tente, à la manière de l'organisation des nations unis, l'ONU,de résoudre les problématiques. Pour satisfaire le politiquement correct, le russe est le plus belliqueux, c'est lui qui menace par une arme à feu le reste de l'équipage. On voit bien les dissensions diviser le groupe, le capitaine américain frappe l'allemand Schmidt pour le contraindre à avouer sa trahison. On verra que la suédoise tentera de prendre le contrôle de la station, tandis que sur terre une guerre mondiale a déjà éclatée.
L'énorme monstre qui à la toute fin du film se dresse au dessus du manteau nuageux, est entré par le portail inter-dimensionnel que l'accélérateur de particule spatial a généré. Ce temple solaire qui tourne autour de la terre a mis un terme aux espoirs de l'humanité. les logiciels à tout faire qui trônent dans cette demeure céleste ont réalisé les prophéties apocalypticiennes par un illuminisme de la lumière qui, suivant la définition de Paul Virilio, pourrait être comparé à un culte solaire tardif pour ne pas dire des derniers jours.
Le naufrage de l'arche, alias le Shepard, est une nouvelle phénoménologie biblique à l'échelle de la contemporanéité supersonique où le temps circulaire a embouti l'histoire dans son collisionneur spatio-temporel. L'excès du dopant numérico-électronique a historicisé ici la bête de l'apocalypse dont le particularisme lovecraftien interconnecte l'enfer avec la terre. Cette bête qui surgit comme une folie ambulatoire annonce le surgissement prochain de l'enfer tout entier que l'homme aura déchaîné pour s'être détourné de Dieu.
Antoine Carlier Montanari