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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

02 Dec

Le Dessous Des Toiles : Les Indestructibles 2 (Brad Bird)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Le Dessous Des Toiles

 Avant tout je tiens à préciser que si j'ai choisi d'analyser ce long métrage en image de synthèse c'est que durant son visionnage, un certain nombre de remarques pertinentes me sont apparues. Au delà du divertissement, la distraction que produit ce genre de spectacle camoufle bien ses influences idéologiques et qui astucieusement coordonnées, parfois même inconsciemment, manipulent l'esprit du spectateur afin de le faire coopérer à des sentiments et des idées contraire à ses convictions. Cette sorte d'hypnose manipulatoire inverse les valeurs tandis que le spectacle agit comme un démolisseur de pares feux mentaux, lesquels ont été établis par la morale et l'éducation transmises par les parents. L'analyse qui suit va donc mettre en perspective ce qui constitue un spectacle coercitif. Pour ma part, ce long métrage qui est essentiellement adressé aux enfants, est à bien des égards, comme nous allons le voir, assez subversif.

 Une histoire dirait Paul Virilio, surexcitée, hystérisée à l'extrême que la bombe informatique délocalise à répétition. L'hyper cité concentrationnaire du XXIème siècle où l'excès de vitesse du flash trading hyperactif capitalise sur l'accident des transports en commun comme on capitalise sur le crash boursier, est devenu une fatalité pour l'humanité. Pour l'urbaniste français, mort le 10 septembre 2018, soit 2 mois après la sortie du film de Brad Bird, le culte de l'accélération c'est le TEMPO boursier où les délais nécessaires de réflexion sont délégués à des super ordinateurs dopés électroniquement et qui diminuent drastiquement les temps d'attente afin d'anamorphoser la temporalité naturelle jusqu'à l'extrême. Cette monstrueuse distorsion fait de l'économie-monde un continuum synchronisé avec l'hyper accélération produite par les machines et qui trouve sa réalité dans la multinationale Black rock dont le siège est situé à New York. A ce jeu, nous dit Paul Virilio, en évoquant le Krach éclair de  mai 2010 qui fit perdre brutalement au Dow Jones mille points en quelques minutes, la crise systémique financière globale sera provoqué par une synchronisation numérique de la peur et qui par une soudaine compression des nano-secondes fera exploser Wall-Street en un clin d’œil. Aussi, dans la scène introductive de notre long métrage, le démolisseur s'en prend directement à la banque en la faisant effondrer sous terre (ici). L'événement est symbolique, en effet l'architecture traditionnelle de cette banque renvoie directement à celle de la bourse de Wall Street de New York. 


 La scène d'introduction impose ainsi son rythme frénétique pour poursuive son travail d'urgentiste qui nécessite un temps d'intervention réduit au minimum. Les salves d’instantanéités accélérées ôtent toute chronométrie classique qui retourne complètement le cerveau du spectateur qui bien qu'incapable de suivre correctement ce hachi parmentier d'angles de vue, relègue le sens caché du spectacle aux oubliettes. Aussi, et au delà des bons sentiments, la scène où Flèche sauve la vieille dame avec son déambulateur (ici) est l'expression du temps futuriste qui supplante le temps passé qui prend son temps. Le coup de main donné par Flèche exprime la supériorité de la jeunesse sur la vieillesse et par la même occasion la victoire de l'instantanéité sur le temps qui passe et du futur sur la passé. En réalité cette séquence met en scène le futur qui met le passé dans le droit chemin.


 A vrai dire, la suractivité de la vitesse supplante ici l'inertie immobilière de la mégapole. En effet, Dès la cinquième minute, se superpose des fractalisations opérées successivement par les trajectoires des moyens de transports (ici). On assiste-là à une surenchère de courbes géométriques cycloïdes et ellipsoïdes que seule la matière numérique engendre le plus artificiellement possible suivant un algorithme de temporalité cardioïde. 


 Remarquons le mouvement autonome du non-vivant, le numérique accomplit un retournement de souveraineté du non-vivant sur le vivant. En effet, cette mythologie futuriste qui nous ait proposé a recodifié le génome humain en un algorithme générique du vivant que l'image de synthèse alimente d'une fausse conscience. C'est le cœur de l'irréalisme accomplit où le mimétisme de la réalité s'exerce dans un récit improbable garantit et crédibilisé par le spectacle d'un eco-système qui a ses propres lois. Cette apparence organisée est une affirmation d'une autre vie rendu visible par des lois numériques totalement artificielles dont les créateurs ont objectivé la production à l'aide de logiciels fondamentalement dérivés des super calculateurs boursiers. Le spectacle de l'espace numérique sans conscience où l'intelligence artificielle feint la personnalité et le caractère, adopte déjà tous les sentiments les plus grotesques. Sociologiquement les personnages de Bob et de Lucius en se saluant (ici), imitent une condition d'existence de lascar. 


 Cette incrémentation du tribal dans la relation humaine fabrique de l'hormone animale et à la manière de la gestuelle des gorilles accélèrent le processus reptilien de l'homo sapiens sapiens. Il n'est pas nécessaire d'expliquer dans le détail une telle mise en scène, l'immaturité et l'infantilisation des adultes est ici visiblement en marche et qui peut être désormais traduit par le mot "Adulescence"Le spectacle de la flexibilité comportementale désagrège ainsi tous les sentiments les plus nobles dans des relations de type tribale et clanique. C'est ainsi qu'est promu et encouragé le transgenre sexuel et animal dont la manifestation, à l'écran, est héroïquement généré pour être intégré puis sanctifié (ici).


 Voyez cette alchimie carnavalesque qui pourrait faire penser à une "GayPride", elle a pour seul but en réalité, d'être victimisé afin d'être innocenté. Cette espèce communautaire joue donc le rôle de minorité symbolique qui doit être défendu et encouragé avec l'aval de la majorité et contre la majorité. En ce sens la majorité doit toujours s'effacer derrière la minorité, laquelle tyrannise la majorité en la culpabilisant en permanence. Mais si la défense d'une minorité est légitime quand une majorité demeure belliqueuse à son encontre, à l'exemple du Christ qui défendit la prostituée de la foule, il faut toutefois dire que certains lobbys défendent désormais des minorités afin d'encourager des déviances comportementales là où le Christ avait demandé, après avoir pardonné à la prostituée, de ne plus pécher. 

 Si le bébé Jack-Jack est cette autre difformité visible à l'écran, il est le fruit d'une activité paranormale dont les pouvoirs sont aussi fantasques que dangereux. Ainsi, il est (ici) cette allégorie systémique sans conscience qui dans un temps infinitésimal se change en diable ou en torche vivante dont l'auto-mouvement luciférien indique toute la malignité à l'oeuvre.


 Et outre la multiplication de Jack-Jack à la 76ème minute, et qui illustre le clonage humain, la manipulation en cour de la race humaine, déjà sanctifié par les X-Men, est épaulé ici par la prédication numérique qui finit, avec l'aide des gadgets et du décorum cybernétique, par la transformer définitivement. Cette fabrication aliénatoire n'est possible qu'à travers le mouvement irréaliste des corps numérisés, lesquels aussi variés qu'une biodiversité humaine inspiré de l'île du Docteur Moreau, font subtilement passer l'espèce humaine pour désuète puis pour un danger suprême. On peut légitimement s'interroger sur ce que deviendra cette civilisation du progrès qui a fait de la science un progrès franchement contre nature. Ce nouveau culte a remplacé celui du monothéisme avec un illuminisme artificiel issu des cathédrales atomiques. En effet, l'immense accélérateur de particule souterrain qui mène la lumière à la pointe de l'épée (le CERN), emboutira certainement demain le rythme saisonnier de la nature. Ceci est ici symbolisé par le personnage trans-univers schématisé dans le générique de fin qui ouvre des portails (ici, en haut), notez également le logo de l'affiche officielle du film dont le point du "i" (en bas) forme en quelque sorte une particule en mouvement dans un accélérateur circulaire.


 Cette métaphysique de l'être est le produit de l'accroissement de l'énergie atomique et qui au sommet de sa propre abondance, soumettra le vivant à des hybridations de toutes sortes que la nucléarisation achèvera de matérialiser dans des laboratoires de nouvelles générations. Le développement des puissances numériques hyper actives, supplantera l'homo sapiens sapiens par un cyber humain au quart poisson ou volatil dont les performances seront comparables à des machines. Cette science sans conscience, nous dit Paul Virilio, n'est pas en mesure de reconnaître ses limites, le culte de la démesure s'étale à l'écran dans un cyberagencement babélien (ici) qui décuple la tyrannie de l'intimité. C'est dans ce lieu de l'espace publicitaire et de l'ensoleillement minimal que naissent l'éclatement des bulles économiques, atomiques, informatiques et génétiques. Cette accumulation de risques systémiques est le phénomène qui conduit à l'apocalypse révélé par saint Jean et dont la forme aboutie est l'union interconnectée des individus enfantés dans une GPA numérique.


 Aussi, il faut quelque peu s'attarder sur les influences artistiques de notre long métrage. Il y a en germe un certain futurisme italien qui exalte particulièrement le monde moderne, la civilisation urbaine, les machines et la vitesse. Cette avant garde italienne était liée de manière ambiguë au fascisme, au socialisme et au communisme. La dominante rouge des indestructibles, qui est omniprésente dans le long métrage, est à noter et à souligner, comme si, inconsciemment, l'idée impériale et totalitaire de la Rome antique et du régime communisme en union soviétique et en Chine était profitable. Après quelques recherches on peut noter (ici) les similitudes entre la vision artistique des indestructibles et la propagande fasciste (en haut) et la propagande communiste chinoise (en bas).

 L'observateur attentif aura repéré le caractère anguleux des personnages, le front dégagé et volontaire, le torse véhément et la stature impérieuse. Il ne manquera pas également de constater les diagonales franches et décidées qui matérialisent en quelque sorte l'esprit autoritaire et téméraire du long métrage. Cette dialectique visuelle est particulièrement détaillé dans le artbook consacré au film (ici). C'est justement cette jointure artistique ambiguë qui confère au film sa singularité, toutefois les concepteurs, malgré le politiquement correct à l'oeuvre font ressortir certaines de leurs pulsions créatrices ambiguës, équivoques et peut-être même révolutionnaires. 

 En effet, au début du XXème siècle, une caste d'artistes italiens théorise un mouvement artistique inspiré directement du cubisme et de ses formes hachées, entrecoupées et syncopées. Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Gino Severini et Luigi Russolo vont être les initiateurs officiels d'une dynamique plastique futuriste afin de faire sortir l'Italie du culte de la beauté antique. Ces poètes qui célèbrent le démon de la vitesse sacralisent le bruit, la pression, l'accélération et la mécanisation tout en s'insurgeant contre la tradition, l'académisme et la morale (2). Le futurisme devient alors une révolution anthropologique et artistique où le spectacle de la puissance pratique et aérodynamique des objets édifie un nouvel empire qu'incarneront le fascisme, le nazisme et le communisme. Si bien que l'architecture, la sculpture, la peinture, la littérature et le cinéma vont devenir des véhicules de cette nouvelle théâtralisation du monde. L'aéro-esthétique porté vers le caractère monumental antique deviendra un manifeste enclin à la reconstruction futuriste d'un univers impérial (ici, en haut)De plus le bas relief géant dans la maison d'Edna (en bas) fait directement référence à la frise du Mausolée d'Halicarnasse où des guerriers grecs combattent des amazones de Figalia.

                                                   Carbonia, Italie, 1938                   Maison d'Edna 2018

                                  Frise du Mausolée d'Halicarnasse            Maison d'Edna   

 Ce mouvement enraciné change quelque peu la signification du film. Outre les extravagances de la très riche Edna, le spectacle oblige à l'approfondissement de ces racines révélées. Et bien que l'écran total aveugle la conscience du spectateur, l'hypnotiseur, qui est le méchant dans le film, n'est autre que l'expression de cet aveuglement. Il est aussi le symbole visible de la notion célèbre du "Mind control" et de l'expression non moins connu du père de la propagande moderne, Edward Bernays, "La fabrication du consentement". Aussi, si les pères italiens du futurisme ont déjà manifesté l'élan acide de la modernité, les créateurs des indestructibles s'en sont inspirés afin de cadencer plus efficacement une logique de l’ingénierie hyperbolique savamment élaboré, à l'exemple d'elasticgirl sur sa moto, par un séquençage entièrement automatisé de la machine informatique (en haut). La boucle est bouclée et à l'image du monorail qui déraille, directement inspiré du célèbre train Settebello de Gio Ponti en 1947 (au milieu), la grande collision à très haute fréquence, qui exhume fatalement l'horrible accident évoqué par Herman Melville dans son Cocorico, et qui propulsa dans l'éternité 14 braves garçons, prépare le grand crash financier à venir. Quant à l'hypnotiseur, l'oeuvre de Enzo Benedetto (en bas), semble parfaitement l'illustrer.

Enzo Benedetto 1926                     Brad Bird 2018

Gio Ponti 1947                         Brad Bird 2018

Enzo Benedetto 


 Pour finir, le soleil hypnotiseur dans les yeux de l'hypnotiseur est cette marque nocturne du culte solaire des anciens, de l'Egypte des pharaons aux illuminismes de la révolution française dont les modernes sont devenus des adorateurs sans le savoir, notez à ce propos le soleil et ses rayons sculptés sur la grande porte d'entrée (ici, en haut) et le grand lustre solaire de la nouvelle maison de la famille Parr (en bas), prêté justement par le très fortuné Winston Deavor.

 

 L'obscurantisme des Lumières qui multiplie les sources de lumières à travers les écrans tactiles, a divinisé l'instantanéité au dépend de la préférence temporelle dont le test du marshmallow vérifie la faillite de la patience. Jack Jack incarne parfaitement l'idée, il cède à cette instantanéité du plaisir. En effet, dans le film, à la 77ème minute, le réalisateur recréait précisément, pour nous, le test du marshmallow (ici). Edna et Bob sont assis devant une vitre derrière laquelle Jack-Jack cède immédiatement au marshmallow qui vient de sortir de son petit costume. Le test de la guimauve, initiée en 1972 par le psychologue Walter Mischel, est une étude sur la gratification différée, qui traduit la capacité de l'esprit à maîtriser les instincts. Si dans le test l'enfant cède immédiatement à la guimauve, il n'obtiendra pas par la suite les deux autres guimauves promises en guise de récompense. Ce test permet de déterminer le degré d'autodiscipline chez un individu. 


 Vous aurez compris, les hommes sont devenus comme Jack-Jack, des consommateurs aliénés à leur instinct de consommer immédiatement. La raison aurait du nous éloigner des pièges tendus par la société de consommation afin de choisir une plus grande récompense qui est celle du paradis promis par Dieu et qui est conditionné à notre indépendance au monde. La demande du Christ au jeune homme riche concernant l'abandon de ses richesses pour un plus grand trésor au ciel est ce test divin de la guimauve. En refusant la proposition du Christ, le jeune homme riche fait justement dire au Christ:


-Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche de rentrer dans le royaume de Dieu. (Matthieu 19,24)

 Finalement la ligne narrative de ce récit virtuel futuriste passe si vite qu'elle fait passer celle du chef d'oeuvre de Stanley Kubrick, avec son monolithe, à un stade de sédentarité avancé. Penser la structure temporelle dans une hâte excessive incendiaire, construit en réalité une théologie avancée de la communication spectaculaire qui réduit au degré zéro la fluidité lyrique et poétique de la vie. Cela signifie entrer de plein pied dans l'organisation accéléré du temps qui voit les spectateurs devenir des particules passives qui aussitôt le film fini seront mises en route sur leur deux roues afin d'imposer au monde une pollution sonore et gazeuse. Ce rythme incandescent fabriqué par une accumulation d'engins mécaniques et de héros artificiels s'oppose en réalité au rythme authentique naturel et qui entraîne à l'intérieur de l'être une falsification de la vie sociale. Le spectateur moyen, qui suit les pérégrinations de la famille Parr, ne conçoit pas un instant la programmation instantanée et illusoire qui petit à petit l'hypnotise et le solutionne dans un spectacle absolument dogmatique dénué de naturel et de poésie. Le réalisateur, Brad Bird a créé un grand accélérateur visuel qui accumule les indulgences transhumanistes tout en abolissant la contemplation de l'ordre naturel. Si Jadis Walt Disney fit jaillir la grâce, la beauté et la délicatesse aussi bien dans l'humain, à travers Cendrillon que dans l'animal, à travers Bambi, et que ces mêmes ravissements purent êtres contemplés dans le chef d'oeuvre de Paul Grimault le Roi et l'oiseau, aujourd'hui Brad Bird a réduit l'admirable a des exploits numérisés qui développent une culture comparable à celle qui s'anima dans la fameuse caverne de Platon.

 A ce propos, dans une prochaine fiche de lecture, nous étudierons la pensée de l'auteur français que j'ai évoquée plus haut et qui a inspiré un bon nombre de mes arguments. Son ouvrage "Le Grand Accélérateur"  (ici) édicte une pensée tout à fait pertinente sur la mobilité forcée de l'humanité. Nous verrons comment la modernité technique impose une célérité artificielle à l'homme tout en le précipitant dans une décadence monumentale, monumentale parce que illimitée en puissance.

Antoine Carlier Montanari

 

(1) Herman Melville, Cocorico, 1853

(2) Le Figaro et vous du 17 octobre 2018, n°23 072, cahier n°4

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