Guérande : Jean Paul Hévin

 Ce pavé chocolaté parfaitement rectangulaire offre au regard son cortège géologique dont les nuances ocres rappellent que le lait est venu alléger le noir du cacao pur. On eût pu croire le lit profond d'un fleuve lointain qui avec le temps se serait enrichi de milliers de sédiments chauds et graissés par les canicules du sud. Le maître a donc  réglé de façon satisfaisante la taille de ce bourbier cacaoté dont les strates, malgré leur faible discordance, donne une impression irrépressible d'y enliser une cuillère. Dans ce bas fond, dès que l'instrument nourricier  y a soulevé ses richesses, les rives de la langue, jubilent déjà irrésistiblement. L'anéantissement vient pourtant de la surface, en effet, cinq tôles de crèmes brûlée caramélisée, strictement parallèles, offre là une délectation qui ne manquera pas d'exalter les couches crémeuses du dessous. Le vernis salé doré du dessus qui enveloppe brillamment des éclats d'amandes, consolide et cristallise avec une impesanteur vitreuse l'ensemble de la création. Le maître a  véritablement ce talent des plus nobles pour ne pas suggérer ces impénétrables ténèbres que le chocolat offre le plus souvent au regard. Mais de toute évidence, l'obscurité symbolique s'est fossilisé au cœur des ténèbres de cette mousse au chocolat noir dont le regard peine à distinguer.

Antoine Carlier Montanari