Un Livre Que J'ai Lu (60) : Moi, Candidat (Mark Twain)

 Décidément cette bataille de Gettysburg fait couler de l'encre, en effet Mark Twain, tout comme son compatriote Walt Whitman (1) s'attarde quelque peu sur cette fameuse bataille. Mark Twain reconnait alors avoir pris la fuite parce qu'il avait la frousse (p19). On peut le comprendre, toutefois, d'un point de vue allemand, du point de vue de Jünger, cette fuite est la marque d'une fragilité psychologique qui ne peut mener qu'à la chute. Ça s'entend d'ailleurs, l'auteur américain n'a pas le verbe aussi solide que l'auteur allemand, le sang ne lui a pas été redevable du mot juste concernant le tragique. La bataille de Gettysburg est peut-être la seule cicatrice profonde du peuple américain dont le souvenir est essentiellement gravé loin des ses grandes cités économiques. L'Amérique est devenu une terre de jeux et de sports qui se comporte comme un "Mugwump". Le terme est plus vulgairement utilisé pour ceux qu'on accuse d'avoir retourner leur veste (p51).

 A vrai dire la teneur du livre tient dans les seules deux dernières pages. La conclusion rejoint celle de Simone Weil sur les partis politiques, lesquels ne sont que des chambres d'échos de leur propre gloire. Faire gagner le parti, même le parti de la vérité et de la liberté c'est avant tout faire gagner le parti et non la vérité et la liberté. La lucidité est de comprendre le mécanisme du "parti pris" qui se résume à cette dégénérescence morale évoqué par Machiavel et qui pour Simone Weil ne cherche en réalité que sa propre croissance (2). Le parti, en réalité, ne supporte pas que l'on serve deux maîtres à la fois, c'est pourquoi le parti installe tout doucement le mensonge au centre même de l'âme pour que celle-ci s'éloigne de la vérité et de la liberté. Mark Twain aura donc eu cette lucidité intellectuelle nécessaire pour comprendre tout l'enjeu de la politique via la démocratie. 

Antoine Carlier Montanari

(1) voir fiche de lecture 15
(2) voir fiche de lecture 26