Réponse Ouverte à Pierre Hermé
Et dire que le silence de votre boutique de la rue Bonaparte a été chassé par de la musique authentiquement commerciale et juvénile. Il me faut donc désormais subir l'esprit de la modernité mercantile anglo-saxonne avec toute l'élégance que requiert le regard devant les délices qui me sont proposés. Spécifiquement, je me suis retrouvé dans le même espace temps qu'un hypermarché animé. Cette intrusion sonore a en réalité bousculé ma nature dont la conscience l'affiliera désormais à vos magnifiques pâtisseries. Ce binôme disgracieux, aura sur moi des répercussions cognitives involontaires et qui comme la madeleine, associera peut-être définitivement votre talent aux hits populaires du moment. La toute puissante autorité du rythme mercantile, dont je n'avais pas mesuré réellement le pouvoir hypnotique, m'est apparu alors comme la pomme dans le panier de la sorcière. Dire que je pensais que vous cultiviez, à la manière d'un Jules II, une différence spécifique, une adhésion pleine et entière au talent et à la grâce, en une simple seconde, cette pensée s'est noyée le plus simplement du monde. Je crois de tout mon cœur à l'élégance, au beau et au bien, et dans ce cas précisément, vous avez magistralement illustré les mots de Baudelaire sur la trivialité et l'idéal, vous les avez fait côtoyé à la manière d'un Buren. Cette superstition trouve toujours des adeptes sincères, toutes ces extravagantes utopies mercantiles qui mélangent le raffiné et le vulgaire, le beau et le laid, le bien et le mal avec la même roublardise du diable dont la jonglerie en la matière a été transmises avec tout l'art du sophiste. Les serviteurs passionnés et zélés sont légions et ils manigancent de toutes leurs forces, de tout leur esprit, de tout leur cœur, à l'édification d'une planète jouet dont les utilisateurs seront aussi sensibles qu'un enfant devant une babiole en plastique dans la vitrine d'un fast food. Georg Simmel, disait à propos de la mode, que la preuve de son pouvoir provenait du fait qu'elle réussit à convaincre des femmes et des hommes à porter des choses parfaitement hideuses.
Ainsi il faut convenir des convictions que l'on cherche à défendre, dont la marque distinctive porte à l'évidence la vérité et le beau dans l'affirmation nécessaire du bien avec un grand "B". L'erreur c'est le relativisme spécifique de notre époque qui en fin de compte n'est qu'une croyance jalouse et dominatrice dont le principe est de toujours éloigner du vrai. Ce dogmatisme n'aurait jamais pu réaliser, pour exemples, ni la chapelle Sixtine, ni le Louvre, ni le château de Versailles. Son principe de contradiction est impossible à penser le beau dans sa totalité c'est pourquoi son schéma de principe impose une profanation. Pour en revenir donc à notre affaire, cette dite musique, pour ma part, aura des conséquences beaucoup plus désastreuses qu'il n'y paraît. Bien entendu le tenant de cette idée vous fera peut-être augmenter votre chiffre d'affaire et obtiendra un nombre d'avis favorables supplémentaires sur les réseaux sociaux. Toutefois si la nécessité économique a le mot de la fin, je ne peux m’empêcher de prendre pour mon parti, l'argument très solide d'un économiste français du XIXème siècle, Frédéric Bastiat. En effet, ce dernier a traité de "ce qui ne se voit pas". Ainsi, dans notre affaire, "ce qui ne se voit pas", se sera la lente dégradation de l'image de Pierre Hermé. Cette tranquille érosion ne sera réellement perçu que par un très petit nombre très éduqué et très raffiné. Ce petit nombre, bien que minoritaire, aura le verbe juste pour rendre compte précisément de cet affaissement, il saura également toujours rappeler cet idéal profondément enfouit en chacun. En réalité, tant que cet idéal sera évoqué, il s'en trouvera toujours un tout petit nombre pour le chercher.
Il faut donc bien admettre que si le plus grand nombre est mal inspiré, il doit pouvoir subsister un petit nombre vivace et inébranlable capable de conserver la véritable modernité. L'expression si fréquemment rappelé est "il faut vivre avec son temps", comme si cela suffisait à tout justifier. Dans la bouche de la plupart cela sonne comme un abandon aux forces sacrificielles contenues dans la décadence actuelle. Ces mêmes personnes n'ont évidemment aucune volonté ni aucun courage pour résister vertueusement au massacre organisé du silence et de la beauté. Pour ma part, la seule conclusion réellement nécessaire à ce texte sera incontestablement celle de Baudelaire sur la modernité, laquelle, est celle qui inscrit l'éternité dans le présent.
Antoine Carlier Montanari