Aphorisme (100) : Le Christ (2)

 Le Christ est un modèle mimétique qui libère l’individu de sa misère. Après lui il n’est plus honteux d’être misérable, il a assumé et anobli lui-même l’exercice du malheur. Il a produit, sur cette misère, les fondations d’un empire du bien qui fait du dernier le premier et le premier le dernier. Ce moteur énergétique a offert, par l’expérience accumulée de la souffrance et de l’humiliation, l’assurance d’être élevé en gloire au Ciel. Les masses laborieuses ont donc un Dieu qui pense à eux et qui comme eux a subi les affres du monde. Ce postulat libère les esclaves et les prisonniers, les pauvres et les malades tout en les déchargeant de la difficulté d’assumer inutilement une telle condition. Le Christ procure donc à l’individu l’assurance de ne pas être délaissé tout en ôtant l’idée de l’échec. L’échec, pour et depuis le Christ, c’est le jeune homme riche. Aussi la condition du pauvre apparaît comme un état glorieux, qui dans son principe, permet d’échapper et de se libérer sans honte de la spirale concurrentielle du monde. Il fallut donc que le Christ vienne au monde pour annuler l’imitation au monde et pour que le monde soit vu tel qu’il est. Ainsi le Christ a légitimé l’échec au monde avec une telle efficacité que le monde lui-même fait mine d’imiter le Christ pour ne pas paraître mauvais. Les idées chrétiennes devenues folles dont parlait Chesterton, ne sont pas moins qu’une parure évangélique dont l’antéchrist déploiera à la toute fin pour tromper son monde. En attendant l’extériorité du Christ est souvent l’apanage des hommes de mauvaise volonté.

                                                             Antoine Carlier Montanari