Un Livre Que J'ai Lu (53) : Champion (Ring Lardner)
Ring Lardner justifie les propos de l’écrivain hongrois Frigyes Karinthy sur le sport, son héros, Midge Kelly, est véritablement la preuve que l’esprit de compétition ne flatte pas les meilleurs instincts. Si Karinthy compare la guerre à un sport et le sport à la guerre, Lardner ne fait que confirmer la chose. En effet, son boxeur est une véritable machine à démolir dont la réflexion est inversement proportionnelle à sa foudroyante gauche. Pour Karinthy, le héros de Lardner ne serait que l’expression de la force brute et des instincts aveugles. Quand on sait que l’auteur est un célèbre journaliste sportif américain de l’entre-deux guerres, on peut, par cet exemple, véritablement confirmer la conclusion de Karinthy sur le sport : Le gagnant sera un singe ! (1)
Ce tout petit livre a le mérite d'aller droit au but, le champion de Ring Lardner pourrait être comparé à ce joueur de basket américain auquel Donald Trump a répondu par un tweet sarcastique. Je parle ici du joueur LeBron James. En effet, le président américain, qui au passage à l'habitude d'être copieusement insulté par la classe médiatique, culturelle et sportive, ridiculise l'intelligence du célèbre sportif. Pour ceux qui auraient suivi cette affaire et qui auraient lu le livre de Frigyes Karinthy sur le sport, ils ne pourront donc être étonné des propos de Donald Trump. Une interview avec un sportif est souvent gênante, nous dit Karinthy. On ne peut que constater, le plus souvent, un vocabulaire pauvre et une logorrhée sans consistance. Je rappellerai ici la fameuse phrase de Karinthy, " le sport empêche bien l’humanité de s’immerger dans la poésie." A cela il faudra ajouter le commentaire de l'ex-entraîneur de Rafael Nadal qui fera le titre d'un article du Monde sur le tennis, daté du 30 mai 2018 (2), "Les joueurs ne réfléchissent plus." Quand Toni Nadal dit cela, il n'insulte pas bien entendu l'intelligence des sportifs, mais il souligne la perte des valeurs spirituelles et mentales dans le sport comme le comprenait les grecs dans l'antiquité. On assiste à une dégradation morale et linguistique du "sportif star" dont la célébrité a rendu docile au Capital. Cette aliénation sportive adopte bien souvent le visage de la crétinerie. Souvenez-vous comment Yannick Noah modifia l'image de l'équipe de France de tennis en la faisant danser son "saga Africa" après avoir gagné la Coupe Davis en 1991. La scène, avec le recul, est si burlesque, qu'elle ridiculise à la fois la fédération française de tennis et le sport en général. Le véritable contre exemple sera formidablement évoqué dans le film de Hugh Hudson, Les chariots de feu, en 1981.
Antoine Carlier Montanari
(1) Frigyes Karinthy, Tous sports confondus, Ed.les éditions du sonneur, p29
(2) Le Monde, 30 mai 2018