Le Dessous Des Toiles : Les Affamés (Robin Aubert)
Trois symboles, l’accordéon, le perroquet et les totems formés de chaises et de produits de consommations. L’accordéon représente la douceur de vivre, le perroquet représente la parole et le totem représente Babel. Les affamés forment le peuple orgueilleux voulant défier Dieu, ils bâtissent des Babels. Le perroquet, à la toute fin, posé sur l’une des tours, est la parole répétée sans réflexion, son silence est l’aveu qu’il n’a rien à répéter puisque les affamés sont des humains qui ne peuvent plus parler. C’est une façon de dire que les hommes sont devenus comme des bêtes, ils n’ont rien à dire, d’ailleurs ils ne font qu’hurler et dévorer. Quant à l’accordéon rouge, sensiblement présent vers la fin du film, demeure un élément décalé. Il est en quelque sorte l’image d’un passé bucolique suggérant une vie calme et paisible, le paradis perdu. La seule survivante, la petite fille, symbolisant l’innocence, prend la peine de récupérer l’accordéon. C’est en quelque sorte le paradis perdu retrouvé. De cela, la voiture de course, qui à la fin s’approche de la petite fille bruyamment et s’arrête pour l’embarquer, est l’image de la modernité emportant l’innocence. Cette voiture qui beugle sur la route traversant la forêt, est pareille à la locomotive de Melville (1), qui, lancée à pleine vapeur, hurle et gueule dans la campagne. Foutu monde ! avait dit Melville. Ainsi, les hurlements des affamés, au cœur de la nature, sont des cris de fous, des cris d’enragés, des cris d’aliénés, qui ne sont en réalité que l’expression d’une déshumanisation du monde à l’image de la voiture de course dont il a fallu faire une route bitumée pour qu’elle puisse y déverser toute sa pollution.
Antoine Carlier Montanari
(1) Herman Melville, Cocorico