Un Livre Que J'ai Lu (47) : Le Droit Et Le Sacré Chez Spinoza (Henry Méchoulan)
Henry Méchoulan évoque l’antijudaïsme de Spinoza qui associé à sa misogynie rappellera le très regretté Otto Weininger. L’auteur conjugue le judaïsme au catholicisme (p17) en rappelant les sept préceptes noachides adressés aux non-juifs (p17). Visiblement l’antagonisme judéo-chrétien est une question d’universalisme. Le juif est pour la première fois confronté à une religion d’universalité dont l’auteur est un juif crucifié. Le plus dur est de réaliser que ce même juif a su admirablement reconfigurer l’empire romain à sa vision pour en faire, par la suite, le siège d’un universalisme triomphant. Si Rome, comme Jérusalem sont devenus des cités-monde, l’une est restée ancrée sur le décalogue et l’autre a fait prospérer les nations à sa cause. L’occident est devenu un chapelet d’états religieux dont le Pape assurait la fonction de régulateur moral. Spinoza avait sans doute compris, que la nation, comme l’entendait Rome, était une fraction d’un empire plus vaste que celui sur lequel il était né. Cette moyenne mesure est autant de pions sur un échiquier dont le Saint-Siège est le Roi. Ainsi, le traité de Westphalie, en 1648, qui mis fin à la guerre de 30 ans, est le résultat de cette division chrétienne provoqué par l’avènement du protestantisme. Cette fragmentation est un écho de la destruction du premier Temple en 586 avant J.C (p24). Outre la lucidité de l’auteur sur la désacralisation de l’état moderne au profit d’une nouvelle religion des lumières, il n’oublie pas de citer Nicolas Machiavel en soulignant la méchanceté naturelle des hommes qui s’exprime toutes les fois qu’elle en trouvera l’occasion. Tout naturellement, la raison (le droit) dépouillée de la foi correctrice (le sacré), conduit à cet autre universalisme qui a produit la guillotine et des législations barbares (p46, p52).
Antoine Carlier Montanari