Un Livre Que J'ai Lu (46) : Maudit Argent ! (Frédéric Bastiat)
Si vous avez vu le Kid de Charlie Chaplin, il ne vous aura pas echappé l’épisode de la vitre cassée. Le kid, à l’aide d’une pierre casse une vitre afin que Charlot, son père adoptif, puisse venir la réparer. Cette part de marché va faire dépenser au propriétaire de la vitre en question, une somme d’argent qu’il avait prévu pour un autre achat. Ce qui revient à dire que ce que l’un gagne, l’autre le perd nécessairement (p20). Cet axiome, déjà révélé par Bacon et Montaigne, va permettre à l’auteur d’identifier la richesse réelle de la richesse numéraire. Il y a la notion d'argent et la notion de richesse, l'auteur insiste sur le fait qu'il ne faut pas confondre les deux. Un homme riche, pour Bastiat, peut-être pauvre tout comme l'entendait le Christ. Habituellement la confusion est faîte, c'est la preuve que l'argent a détrôné toutes les autres richesses. Pour un homme affamé, seule la nourriture est la véritable richesse, pour un homme malade, seule la santé est la véritable richesse, pour un homme assoiffé, seule l'eau est la véritable richesse et ainsi pour l'homme amoureux, seule la femme est la véritable richesse. Toutefois l'argent illusionne puisqu'elle met à porté de main toutes les richesses naturelles. Il en va ainsi du pouvoir de l'argent. Cependant, les autres richesses, prises en elles mêmes ne perdent jamais la valeur qui est la leur. Un morceau de pain, une bouteille rempli d'eau, la santé, l'amour d'une femme sont autant de richesses naturelles qui demeurent richesses puisqu'elles assouvissent immédiatement les besoins fondamentaux de l'homme. L'argent seule n'a pas de valeur immédiate, elle ne comble ni la faim ni la soif, n'a ni le pouvoir de guérir les maladies ni d'offrir de l'amour, c'est une valeur d'échange, c'est une valeur transformée qui permet d'acquérir les richesses primordiales que l'on ne peut avoir naturellement. C'est pourquoi les gens qui confondent la richesse avec l'argent ont oublié que cette dernière n'a de valeur que celle qui lui a été accordé par les hommes, non par la nature.
L’appât du gain numéraire résulte donc du principe d’idolâtrie qui mené à son terme, parvient à ruiner ses semblables. Ainsi donc, si la masse du numéraire venait à augmenter d’un côté, de l’autre côté sa masse diminuerait au point que de ce côté-là le peuple en souffrirait. Ainsi, la valeur accordé à l'argent numéraire dépend d'un principe anthropophage. Ce principe anthropophage est résumé par cette locution populaire, le malheur de l'un fait le bonheur de l'autre. Cette loi providentielle qui enrichi les uns est donc appelé à ruiner les autres (p13). Si donc les uns ont le désir d'augmenter leur masse du numéraire, nous dit Bastiat, il faudra donc que les autres acceptent de perdre en conséquence.
Frédéric Bastiat insiste donc sur les expressions « ce qu’on voit » et « ce qu’on ne voit pas » (p46). Effectivement, pour en revenir à la fameuse vitre cassée, le spectateur moyen ne voit pas forcément l’opportunité perdue du propriétaire de la dite vitre de stimuler par son achat un autre acteur économique.
Antoine Carlier Montanari