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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

25 Feb

Un Livre Que J'ai Lu (43) : Comment Je Vois Le Monde (Albert Einstein)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 

 A vrai dire, on ne connait d'Albert Einstein, que l'homme de science. Aussi cet ouvrage expose la part philosophique et politique du personnage. Sa quête du bien, du beau et du vrai (p20), demeure présente jusqu'à la fin du livre. En effet il est intéressant de souligner l'analyse du personnage sur la question existentielle. Pour sa part, il demande à l'humanité de s'émanciper des affects et des instincts afin de poursuivre des buts plus nobles. Si l'humanité, dit-il, à la page 20, se passionne pour des buts dérisoires, elle ne peut véritablement s'engager pour la justice. Aussi, il n'hésite pas à qualifier de mort vivant celui qui dénigre la recherche de la vérité (p23).

 L'évocation de la présence divine n'est pourtant pas centrale ici, toutefois Albert Einstein suggère la possibilité de Dieu à travers le mot "éternité", dont la notion est auréolée par la vie. C'est ce mystère qui pousse Albert Einstein dans les bras du religieux où sans équivoque, à la page 24, il affirme que l'athéisme est un non sens pour la conscience. Précisément, il conditionne la qualité de l'être à la séparation avec le "Moi" narcissique, déjà largement évoqué par la philosophe Simone Weil. Effectivement la mort de ce "moi" établi les bases d'une humanité dépouillée du dieu argent dont Einstein rappelle sa nocivité sur l'être. La grille de lecture marxiste acquise, Albert Einstein évoque Moïse, Jésus et Gandhi pour solidifier sa vision humaniste du monde. Les richesses, pour lui, ne constituent pas un facteur de progrès moral. 

 Toutefois, sa lucidité à ses limites, du moins son apparente naïveté sur la question militaire témoigne d'avantage d'un parti-pris que d'une véritable réflexion. Ontologiquement, Albert Einstein se situe à l'opposé du pragmatisme Jüngerien avec un pacifisme qui frôle la puérilité. Son nerf virile se serait détendu aurait dit Jünger. S'il conscientise les possibilités d'extermination globalisée, il reste toutefois aux abords de cette notion fondamentale admirablement axiomatisé par l'anthropologue René Girard. Le reste témoigne d'une moralité naturelle convenu, qui prend la forme d'une religiosité cosmique idéalisée dont la science est le procédurier dogmatique (de la page 30 à la page 35). Il se réfère donc tout naturellement à François d'Assise et à Spinoza (p33), tout en affirmant la relation entre la science et la religion. Il est parfois même difficile de s'y retrouver tant sa pensée oscille confusément entre la philosophie, la science et la religion. On est en présence d'un homme bien trop détaché qui en réalité n'a de confiance que dans les équations mathématiques de ses prédécesseurs. A vrai dire le livre n'apporte aucune réponse définitive quant au sens à donner à l'existence, le lecteur se trouvera dans l'incapacité même de formuler précisément la pensée de l'auteur.

 Ceci dit il faut quelque peu s'attarder sur la question du judaïsme et du christianisme qu'Albert Einstein aborde succinctement à la page 142. En effet il propose comme paradigme vertueux, l'addition du judaïsme et du christianisme qui dépouillés de leurs structures ecclésiales, seraient à même de conduire l'humanité dans la bonne direction. Ce qui rejoint tout naturellement ses propos précédents quand il fait l'éloge de Moïse et du Christ. Aussi, cette affirmation se réalise déjà dans la Bible où l'ancien et le nouveau testament y sont associés. Cependant Albert Einstein, sur la question, demeure en surface, elle aurait mérité un plus long développement, à la manière d'un René Girard par exemple.

 A cela, une bonne partie du livre se concentre sur les recherches qui ont conduit à la théorie de la relativité. Albert Einstein souligne avant tout le principe des principes que Leibniz a nommé "harmonie préétablie" (p169). Ceci est important puisque en citant le scientifique et philosophe allemand, Albert Einstein est forcé d'évoquer l'idée de Dieu. Effectivement cette conceptualisation leibnizienne affirme que Dieu a programmé chacune des substances dans l'univers afin qu'elles s'harmonisent les unes avec les autres. Ce réglage divin n'est que l'écho lointain de l'esprit supérieur céleste de Cicéron évoqué par Pétrarque. Aussi, ajoute l'auteur que c'est la source grecque, à travers notamment Euclide, qui va donner naissance à la science occidentale (p176). Albert Einstein s'appuie particulièrement sur Galilée pour aborder sa théorie de la relativité. L'auteur va alors conduire son énumération de concepts scientifiques en soulignant le caractère essentiel de l'intuition, laquelle devra servir de générateur intellectif à l'homme de science. Le caractère déductif de la pensée est essentiel pour l'auteur, en effet il souligne à plusieurs reprises la primauté de l'intuition sur la réflexion (p168) où la perspicacité intellectuelle est à même de conceptualiser des représentations et des entendements extrêmement logiques (p178). Selon la méthode, c'est le facteur d'illumination qui amène la pensée aux notions fondamentales. Aussi la question leibnizienne sur le pourquoi du comment renvoie à cette vieille intuition du taoïsme, "Ce qui est provient de ce qui n'est pas, et ce qui n'est pas contient ce qui est" (2). 

 Dans cet ordre, et pour sourcer la théorie de la relativité, Albert Einstein cite Maxwell et sa théorie de l'électricité qui bouscule celle des mouvements de Newton et qui sera complétée par Faraday et sa conception des champs dont H.A Lorentz réussira à isoler et que l'on appellera champ électromagnétique. Cette théorie que l'on nommera Maxwell-Lorentz (p227) aboutira à la théorie de la relativité restreinte. Si Newton, au préalable, avait réussi à analyser le mouvement des planètes, Kepler (p216), découvre que les durées de révolution sont proportionnelles aux troisièmes puissances des grands axes d'ellipses. Les trajectoires définies rendent ainsi compte d'une règle où le soleil est le corps central de toute cette mécanique. Cette loi du mouvement qui trouve son origine dans l'astre solaire lie les trois concepts que sont la force, l'accélération et la masse (p220). Si Newton reprend Kepler en découvrant l'identité des forces motrices qui agissent sur les astres (p220), il va produire une théorie suffisamment satisfaisante pour les chercheurs. La forme mathématique newtonienne qu'est la dérivée va permettre la formulation de la théorie de la relativité générale qui dit grosso modo que la gravitation est équivalente à l’accélération. Pour ainsi dire, la fameuse équation E=mc² et sachant que "E" est l'énergie exprimée en joule, "m" est la masse au repos en kilogrammes et "c" la vitesse de la lumière dans le vide, explique pourquoi une étoile comme le soleil peut émettre de l'énergie pendant des milliards d'années. En effet quand on multiplie la masse "m" d'un corps par la vitesse de la lumière dans le vide "c" au carré, on obtient alors une énergie. Pour en revenir au soleil et pour expliquer sa création d'énergie il faut savoir, en préalable, que pour briller le soleil fusionne deux atomes d'hélium-3 afin de former un seul atome d'hélium-4. Mais l''atome d'hélium-4 a alors une masse moins importante que les deux atomes d'hélium-3. En fait, pendant la fusion, des particules ont été libérées pour devenir de l’énergie, ce qui explique cette différence de masse. Cette échappée belle traduit l'énergie libérée du soleil et l'équation d'Einstein nous permet de connaître cette quantité d'énergie.

 Du reste, pour Albert Einstein, l'effort vers cette connaissance est un acte de foi aussi religieux que la recherche de Dieu (p250). Albert Einstein n'en n'est pas moins conscient que les sommes de toutes les investigations scientifiques sont récupérées par une petite élite politique et économique dont les intérêts ne vont pas dans la même direction que ceux de la majorité. Le parallèle avec Stendhal est à faire (1), les deux hommes ont la même vision de l'homo œconomicus dont le désir est de donner un statut d'esclave au reste de l'humanité (p252). Sa conclusion suggère celle de René Girard sur l'anéantissement universel, toutefois il faut rappeler ses propos contradictoires tenus, au début du livre, à la page 27, quand il dit qu'il se distingue des futurologues d'Apocalypse. On en est pas à une contradiction près, le personnage est bien plus une icône qu'un véritable savant. Sa nature excentrique, socialiste et radicalement pacifiste rappelle celle du mathématicien français Cédric Villani dont le soutient à Emmanuel Macron témoigne de son idéologie progressiste mondialiste par opposition aux partis dit "nationalistes" qui émergent en Europe. On peut constater chez Albert Einstein la même disposition idéologique quand il demande aux peuples, à la page 91, de remettre le destin de leur pays respectifs, en cas de conflit, à une cour internationale d'arbitrage. Pour dire, le politiquement correct à l'oeuvre, le physicien français Etienne Klein, au tout début de l'ouvrage, nous dit en gros, en grand, en gras, "Einstein pourfend le service militaire, dis son mot à propos de la crise économique, exprime son mépris des frontières". Pas étonnant donc qu'à la page 252, Albert Einstein préconise d'instaurer un ordre juridique supranational pour sauver l'humanité d'elle-même, autrement dit un nouvel ordre mondial.

Antoine Carlier Montanari

 

(1) voir fiche de lecture du 17/09/2017, Stendhal, D'un nouveau complot contre les industriels

(2) François Cheng, Cinq méditations sur la mort

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