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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

04 Feb

Un Livre Que J'ai Lu (39) : René Girard (Les Grands Entretiens D'artpress)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 Mimétisme, désir, rivalité, mots avec lesquels René Girard va expliquer l'architecture psychologique et primaire de l'être humain. Il évacue ainsi la psychanalyse freudienne, non pas celle de Jung, dont on verra, dans une futur fiche de lecture, qu'elle est certainement la plus "juste" et plus soucieuse de la "transcendance". Dans son entretien avec Philippe Muray, René Girard va donc expliquer ce qu'il entend par ces mots dont la résonance à travers les mythes anciens permet de comprendre le rôle de la victime. Le collectif est avant tout la forme la plus abouti du mimétisme. Il déshonore systématiquement la raison et échappe à tout contrôle. N'a t-il pas, ce même collectif, à Jérusalem, accueillie le Christ avec des rameaux, pour ensuite le condamner trois jours plus tard à la mort? Pilate s'en lavera les mains comme pour signaler un jugement absurde. Cet épisode est déterminant pour expliquer la thèse de Girard sur le bouc émissaire. C'est le phénomène mimétique exemplaire qui est d'une valeur ethnologique de première importance ! La Passion du Christ est en effet le mécanisme qui annule la violence et qui suscite, par son imitation, la non-violence comme principe réactionnel. Suivant ce schéma, les forces sacrificielles sont contenues et les possibilités d'anéantissement maintenues à leur niveau d'alerte. Par conséquent, en addition du nihilisme nietzschéen et du potentiel destructeur de l'énergie atomique, le réflexe christique demeure le seul mécanisme pour neutraliser l'envie de tout faire péter. L'apocalypse de saint Jean n'est que l'expression de cette somme et les évangiles sont les textes qui transcendent toutes les possibilités d'anéantissement. Ne pas voir cela, c'est se rendre aveugle de la loi du talion dont Satan en est le principe. La vendetta, le lynchage sont des engrenages auto-destructeurs qui perpétuent la violence. A l'heure des armes de destruction massive, la rivalité mimétique décuple les possibilités de destruction universelle. Cette rivalité mimétique ne cesse réellement que lorsque l'autre est totalement annihilé, il n'y a plus personne pour se venger. Ainsi, dans les rapports de masse, les deux premières guerres mondiales ne sont que l'expression géopolitique de la violence répétée. Les générations à venir, sur le modèle judéo-chrétien, ont tenté d'apaiser les tensions du passé en collaborant à une construction européenne basée sur le libre échange. Mais le Capital comme source de régulation n'a fait qu'engendrer la revanche économique allemande pour soumettre à son tutorat toutes les autres économies. Le fragile empire européen est à l'heure actuelle dans une impasse politique depuis le Brexit et si la violence n'a pas pris les armes elle a tout de même engendrée une guerre économique à l'intérieure de Schengen dont les effets sont dévastateurs sur les budgets de santé de chacun des pays européens. A ce jeu, le désir mimétique allemand de la domination par l'argent a libéré les volontés farouches de ses ennemis historiques qui veulent se défaire de la domination germanique. L'apocalypse c'est cela, les forces à l'oeuvre sont immenses et sans la présence d'un discours évangélique politisé, la guerre sera perpétuelle et ne se terminera que jusqu'à l'anéantissement définitif de l'autre. Depuis Hiroshima et Nagasaki, l'annihilation globale est devenue une réalité dont la culture s'est plus que largement appropriée. Le caractère romanesque ne vient que idéaliser un avenir proche ou lointain dont la victime est l'humanité toute entière que l'on adore voir, au cinéma, disparaître de mille et une façon grâce aux effets numériques.

 En résumé, le texte chrétien est parodié afin de fondé un mimétisme en apparence bon mais dénué de la croix. Cet anti-christianisme tourne donc le dos au Christ qui comme la question de la flagellation, fait fouetter toujours les plus innocents, à savoir les enfants à naître. L'avortement peut-être alors comparé à un rite sacrificiel primitif dont le sang versé catalyse la violence et la masque derrière l’hôpital ou la maternité. Ces mêmes symboles de vie sont devenus des pyramides maya, lesquelles servaient d'autels sacrificiels. Ce néo primitif est masqué par tout un tas de vertus laïques pour obtenir l'unanimité concernant cette question. Cette unanimité on la retrouve dans la foule qui a choisi de tuer le Christ à Jérusalem. Barabbas, le meurtrier est sauvé et l'innocent ensanglanté sur la croix. Les films de Mel Gibson, La Passion du Christ et Apocalypto, mettent dos à dos cette violence mimétique. Cette logique sacrificielle n'est que la finalité d'une crise morale qui conduit tout naturellement, à l'échelle individuelle comme à l’échelle collective, au suicide, c'est l'apocalypse!

 Ce livre est une bonne introduction à l'oeuvre de René Girard. Philippe Murray, qui conduit l'entretien, a écrit un remarquable essai sur Céline. C'est ici un autre voyage au bout de la nuit que conduit Philippe Murray avec notre académicien. L'Apocalypse est le maître mot, René Girard nous révèle, avec une conscience authentique de l'être, les engrenages qui fabriquent la destruction. Ce sérieux du vécu, à la manière de Socrate face à la mort puis au Christ lors de la passion, est ici communiqué avec une lucidité anthropologique désarmante.

Antoine Carlier Montanari

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