Aphorisme (79) : Sociologie (3)
Dès que l'hiver approche on voit poindre ces capuches cerclées de fourrure synthétique, qui, aussi bien chez les hommes que chez les femmes , viennent auréoler la tête comme la crinière d'un lion. Ce qui, du reste, n'en est pas moins révélateur du goût esthétique de ces mêmes personnes. Ils semblent qu'ils tirent profit du symbole inconscient formé par cette capuche. En effet, s'ils se trouvent à l'aise, la tête bien à l'abri du froid et des intempéries, ils se cachent tout de même derrière cette signalétique poilue aussi futile qu'orgueilleuse et qui les distingue du reste de la population comme des êtres auréolés. Il est difficile de déterminer la part inconsciente dans cet atour, le besoin naturel d'être reconnu constitue certainement un facteur important dans la décision de se parer ainsi. Il est presque certain que la véritable cause de cet accoutrement est un faire valoir de sa propre sainteté, qui, du moins, est d'avantage suggérée que dite. La kippa, par exemple, se pose sur le sommet de la tête afin d'exprimer la présence salutaire de Dieu. Tout autant le profane peut se manifester symboliquement. À notre époque où le narcissisme mercantile propose tout un tas de prothèse esthétiques comme les perruques, les tatouages et les piercings, les vêtements du quotidien ressemblent parfois plus à du déguisement qu'à de l'habillement. Beaucoup d'ailleurs revendiquent leur appartenance à telle ou telle marque en arborant fièrement la griffe qui la représente. Cette revendication mercantile est avant tout un relais publicitaire gratuit pour la marque qui voit là un corps tout entier mis à sa disposition. Tout autant, le corps ainsi vêtu va agir comme un vulgaire espace publicitaire mobile et vivant. C'est le fameux mannequin de chair des sens développé par le sociologue Michel Clouscard.
Antoine Carlier Montanari