Le Dessous Des Toiles : Vierge à L'enfant (Domenico Veneziano)

 La peau claire, perçante comme un lever d'astre et légèrement empourprée au niveau des joues, irradie ce double flambeau que le soleil a divinisé. Et, là-bas, à l'Orient, la triple figure royale a vibré à l'appel de ce trésor tourné vers l'Occident. Dès lors, la main délicate de la Vierge, attise l'Amour d'un triple rameau dont la pointe du plus noir semble représenter le glaive qui transpercera son âme. L'enfant Jésus, nouveau-né, fixe déjà cette épine sombre fatalement placé devant le cœur de sa mère. Ce gracieux petit roi, assis majestueusement sur un coussin richement décoré, tente de lui ravir avec tendresse la brindille. Alors songeuse, la Vierge maintient impérieusement cette gloire filiale par le dos dont la main gauche forme en réalité l'appui parfait. Le monde est désormais en équilibre, les portes du ciel nouvellement formées par le ventre de Marie et parées de fils d'or font mesurer la prodigieuse bienveillance divine accordée à une créature. Précisément, au centre, la main droite de la Vierge et les bras de Jésus, qui conjointement et judicieusement construisent la lettre "A" du mot amour, intercèdent comme un seul cœur devant le Trône du Très-Haut. Ce renouvellement universel, c'est de la lumière pure, qui, au plus profond de l'âme restaure l'empreinte divine voilée par le péché. Justement le voile gracile sur le front de la Vierge conduit tout naturellement au front droit de son fils dont la perpendiculaire évoque la pierre d'angle qui est la croix déjà imprimée en son âme. De ce côté axial, fortement imprimé comme le coté supérieur droit d'un carré, borde la tempe qui verra s'écraser sur elle une couronne d'épines dont l'une d'elles aura vite fait de percer pour que se déverse d'avantage le sang précieux engendré dans le sein de la Vierge. Ce tendre portrait peint sur du bois par Domenico Veneziano, en 1437, déploie une sobre palette, sanglante sur le fond et lumineuse sur le devant. La Vierge, magnifiquement ornée, inclinant légèrement sa face éclatante vers celle de son fils, forme déjà le symbole expressif de la co-rédemption. L'artiste a inexprimablement privilégié l'immortalité de la chair sanctifiée dont la délicate carnation ensoleillée émerveille l’œil avec une extrême clarté. Ce scintillement nacré teinté d'ivoire enlumine cette or floraison qui en arrière plan s'élève royalement malgré la pesanteur.Tout naturellement, ce spectacle de la docilité est l'expression wellienne de la grâce, et la Vierge comme l'enfant Jésus sont les modèles de cette docilité. 

Antoine Carlier Montanari