Le Dessous Des Toiles : Vierge à L'enfant (Alessio Baldovinetti)
![](https://img.over-blog-kiwi.com/0/99/20/81/20180429/ob_b1ac15_05-530536.jpg)
Il fût l'élève de Veneziano dont la Madone enveloppée de rose avec son Fils debout devant elle a sans doute un peu aiguillé ce premier dans la manière de faire sourire la Vierge. Dans cette composition, Baldovinetti sépare la Vierge de l'Enfant pour montrer l'absolue confiance qui les unies. On le devine, le lien est tissé par la bandelette blanche que porte le petit Jésus au regard de sa tendre et souriante Mère. Il est également ce cordon ombilicale que le Christ élève comme l'expression de sa présentation au monde. Le rebord du balcon, en marbre, représente déjà la poutre centrale de la croix dont le coussin rouge qui maintient le petit Jésus préfigure en quelque sorte le lit mortuaire en pierre où le corps du Christ sera déposé après sa mort. L'attitude corporelle de Jésus préfigure la crucifixion, sa contenance témoigne en avance de la Vérité, entendons-nous bien, si petit soit-il, il déploie son être avec maturité et détermination. Si l'on pouvait redresser la rambarde de marbre, on y verrait l'enfant Jésus se servir de la croix pour s'élever, du reste, cette contemplation dépasserait toutes celles entreprises sur le sujet pour définir la résurrection des corps. Véritablement la Croix est le seul support éternel présent parmi les hommes. Il est bien permis ici de souligner la croix tant l'écarlate très opaque de la robe de la Vierge qui se mire dans le coussin du petit Jésus produit l'effet du sang dont le noir du col de sa Mère vient finement endeuiller. Songez à ce détail car il servira de modèle à Léonard de Vinci pour sa Joconde. En effet nous retrouvons quelques similitudes assez troublantes entre les deux peintures. Pour en être sûr, il suffit de remarquer l'influence qu'a exercer l'annonciation de Baldovinetti sur celle qu'exécuta Léonard de Vinci en 1472. Les cyprès et la végétation sombre du fond, la porte ouverte derrière la Vierge, la tunique rouge de l'ange Gabriel ainsi que sa coiffure puis le manteau bleu de la Vierge, le siège curule et la petite table richement décorée témoignent indéniablement de cette empreinte. Le talent de Léonard de Vinci rehausse assurément le thème mais dans un ordre secondaire l'annonciation de Baldovinnetti colorise solidement le regard de manière à marquer vigoureusement l'esprit. Moins éthérée donc que celle du maître de la Cène, elle constitue cependant un petit chef d'oeuvre de grand taille qui affiche une technique bien acquise. On comprend pourquoi Léonard s'en donne à cœur joie devant les œuvres de Baldovinetti, il semble même avoir un penchant pour les paysages de ce dernier. La campagne de la Vierge et l'Enfant est presque en tout point celle de la Joconde. La courbure serpenté du fleuve sur la gauche et sur la droite, les montagnes à l'horizon puis scindées en deux respectivement par la Vierge et la Joconde, forment une géographie presque identique. Certes si les colorations topographiques sont nettement plus ocres du côté de la Vierge que de la Joconde, elles n'en demeurent pas moins spectralement analogues. De plus la Vierge et la Joconde demeurent orientées dans la même direction, assises toutes les deux, dont le décolleté et l'ombre portée sur leur face gauche sont semblables. Le sourire, léger et élégant, étrangement similaires, dessine une parallèle avec la rambarde du balcon qui vient appuyer silencieusement la pose de ces deux jeunes femmes. Si ce n'est que les mains se rejoignent en prière chez Baldovinetti, celles de la Joconde se superposent amoureusement sur l'accoudoir de la chaise.
Cet art catholique témoigne donc de l'importance de la mise au monde de Dieu dont la Vierge sera le vaisseau irréprochable. L'auréole peinte au dessus de sa tête, renvoie particulièrement, par le talent du maître, l'image de la lune passant devant le soleil. Depuis la miraculeuse image de Guadalupe, l'astre lunaire est la représentation symbolique de la Vierge. Elle est participative de la rédemption universelle en réfléchissant la lumière de son Fils qui est celle du soleil. A cela, tout naturellement, le ciel emprunt de nuages blancs, parachève cet ordre cosmique.
Antoine Carlier Montanari