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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

22 Dec

Réponse Ouverte à Arnaud Lahrer

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Réponse Ouverte

 Je tenais à vous faire part par écrit de quelques remarques concernant, non pas votre savoir-faire culinaire, mais ce qu’on nomme plus inhabituellement le décorum. En effet, après avoir lu de nombreuses critiques à propos de vos pâtisseries, j’ai franchi le pas de votre boutique et pris connaissance de vos créations. Effectivement j’ai pris bien du plaisir, presque en grâce d’ailleurs tant l’onctuosité et la délicatesse que procurent vos crèmes au palais, dont les arômes consentent véritablement à poursuivre le plaisir, provoquent agréablement les papilles. Mais avec le temps je me suis aperçu que quelques banalités d’ordre esthétiques, venaient, lors des grandes fêtes, abâtardir vos vitrines. Etant un inconditionnel de Pierre Hermé, je peux dire qu’aucune faute de goût ne vient entacher les créations de ce  maître chef dont le souci de l’harmonie semble lui être acquis naturellement. Pierre Hermé va donc travailler sa conception de l’idéal en fonction de ses connaissances artistiques et culturelles, passées ou présentes et qui font l’honneur essentiellement des grands musées. Lorsque je rentre dans votre boutique, heureux bien entendu de pouvoir me procurer quelques ingénieuses pâtisseries, il m’est arrivé, par exemple, au moment des fêtes de pâques, devant des singes en chocolat, affublés de vulgaires équipements qui rappellent quelques créations commerciales à grand tirages, d’avoir la sensation désagréable de me retrouver dans une quelconque pâtisserie. Pendant les vacances d’été, la collection « Tong » m’amusa au lieu de m’épater et me donna d’avantage l’envie d’aller voir ailleurs. Voyez-vous, dans Cyrano de Bergerac, le pâtissier s’est évertué à emballer ses gâteaux dans des feuilles de papier sur lesquels étaient inscrits des vers écrits à la main. Si Edmond Rostand associe la poésie à la pâtisserie, comme à l’amour d’ailleurs, et qu’il exige d’elle qu’elle exalte tout ce qu’elle touche, il tient à élever par elle le regard de l’homme sur son environnement. Et pour qui connaît la prose véhémente de Baudelaire, il saura que la poésie n’interroge pas l’âme en vain mais elle cercle, comme le pensait Dante, le cœur d’exquises pensées.  Le vulgaire, ne comprenant pas cela, ne soutiendra que l’opinion de son imagination, laquelle, hélas, ne pourra élever son sujet qu’aux valeurs beaucoup plus ordinaires. On ne devrait donc pas douter de l’importance de la culture dans ces enjeux- là, au regard de votre talent il m’est difficile de réaliser, qu’il vous manque peut-être cette part consistance qui ajoute bien souvent du talent au talent. Ainsi, j’ai reconsidéré votre manière de voir la pâtisserie et je me montre tour-à-tour déçu, insatisfait et énervé. A mon goût, l’empreinte du mercantilisme bon marché est bien trop présente. Il y a une tendance à se rabaisser aux désirs d’un public de masse qui privilégie en réalité un esthétisme qui tourne autour du caprice, du bibelot, de la légèreté, de la subjectivité et qui véritablement empêche bien trop souvent d’atteindre l’excellence. Indéniablement vous avez sacrifié à la coquetterie marchande tout droit sorti d’un joli livre de cuisine dont le goût féminin s’est vite fait de s’approprier. Il est vrai que l’esthétisme frôle parfois l’amateurisme et même si cela semble enchanter les yeux, il n’en demeure pas moins rigoureusement sympathique plutôt qu’atypique. En effet les fantasmagories de type « Toy Story » qui ont alimentées la fête pascale vous sépare définitivement du regard beaucoup plus subtile de Pierre Hermé sur la question. En effet, les griffes présentent sur ses œufs sont directement inspiré de l’artiste italien Lucio Fontana et qui rappellent bien évidemment les lacérations qui mortifièrent la chair du Christ. Il y a tout de même une différence de conduite avec vos singes et vos petites voitures en chocolat tout droit sorti d’un Disney Store !

 Si l’on s’attache à la présentation de la gente juvénile qui accueille la clientèle dans vos boutiques, la comparaison ne tient pas face à un Pierre Hermé. En effet, la tenue vestimentaire, le port altier et la conduite attentive du personnel sont impeccables. Pour ma part, la réception est du même niveau de professionnalisme que l’on peut trouver chez les hôtesses et les stewards d’une grande compagnie aérienne. Ca va jusque dans les moindre détails, il n’y a pas de musique hip hop qui accueille le client, ou des casquettes qui remplacent la célèbre toque du cuisinier. Ces fautes de goût dissimulent un manque de rigueur qui entame sérieusement le savoir-faire à la française. Ce parti pris ne peut satisfaire l’authentique et le sérieux d’un métier, les caves champenoises sont un exemple de la grandeur française, les propriétaires font un point d’honneur à préserver autant que possible les traditions qui ont façonnés leur secteur, il ne viendrait pas à l’idée des très grands champagnes de s’abaisser à quelques malignité commerciales. Les plus grandes tables de ce monde n’attendent pas moins de ces fleurons qu’ils se comportent avec toute la dignité due à leur rang. Aussi, ces moments de véritable grandeur n’ont sans doute que très rarement l’occasion d’être appréciés par le commun des mortels. C’est un véritable sacerdoce qui concoure à anoblir son sujet et à l’élever au rang de chef d’œuvre. Il n’est hélas pas donné à tout le monde de faire briller de cette manière tout ce qu’il touche, bien au contraire, beaucoup cèdent aux malignités mercantiles et les justifient mêmes avec un raisonnement tout droit sorti d’une vulgaire école de commerce.

 De là, il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi Pierre Hermé est incontestablement au-dessus de la mêlée. Il est l’addition d’un maître pâtissier, d’un artiste et d’un homme fort instruit. Certainement connaît-il les couloirs du Louvre et les poèmes en prose de Verlaine, familier peut-être d’un Flaubert et d’un Balzac et est certainement sensible à la douce  Florence qui a vu naître Dante et Machiavel. Il conçoit ainsi ses pâtisseries plutôt comme des œuvres d’art dont les influences culturelles ont indéniablement poli le monde. C’est pourquoi, du monde entier, on entre chez Pierre Hermé comme on entre dans un musée ou dans une église. Pour certains c’est un véritable pèlerinage, ils sont épris de beau et de bon et forment la conviction que se trouve ici la quintessence de la pâtisserie. Ils en ressortent avec quelques délices savamment emballés dont des sacs élégants, qui, aux bras des femmes, donnent l’impression qu’une chose précieuse s’y trouve cloîtrée. De même, les cakes et les pains d’épices, épousent leurs étuis comme des bijoux. Cette ligne de conduite est ainsi plébiscité par un très large public et dont je me fais l’écho ici, non pas pour dénigrer votre savoir-faire, qui, je le répète, est incontestable, mais pour vous faire part de l'avis d’un client qui aime la pâtisserie comme on aime une symphonie ou un poème de William Blake lu par un grand orateur.

Antoine Carlier Montanari

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