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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

19 Nov

Un Livre Que J'ai Lu (27) : Sarrasine (Honoré de Balzac)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 Il y a du Flaubert dans Balzac et du Balzac dans Flaubert, ces deux-là affectionnent particulièrement le manteau écarlate des princes de l’Eglise. Ils nous dépeignent ces ministres d’avantage comme des mondains plutôt que comme des saints. Leurs couronnes, flétries de richesse et d’arrogance n’en n’ont pas moins les effluves d’une autorité suprême dont Montaigne disait qu’elle était un rempart puissant contre le désordre. Effectivement, Honoré de Balzac  fait du rôle du cardinal Cicognara, un commanditaire meurtrier. Sarrasine, le sculpteur, en fera les frais après avoir sculpté une statue à l’image de la chanteuse d’opéra Zambinella dont il sera éperdument amoureux. Girodet s’en inspira pour son Endymion, du moins d’après une copie que la famille Lantry fit faire. On ne peut ici rien dévoiler de l’intrigue sans noyer l’envie de s’y plonger mais il faut savoir qu’elle est plus que pertinente tant elle reflète un comportement qui est aujourd’hui plus que toléré, et même encouragé, au point que la chirurgie s’en est faite une spécialité. Balzac profite donc de cette nouvelle pour nous dresser le portrait psychologique de la femme, chose qu'il affectionne particulièrement, tout comme Gustave Flaubert d'ailleurs.

 La coquetterie chez la femme est un impérialisme aussi puissant que diabolique dont la force gravitationnelle neutralise bien les corps pris dans son orbite. Si Méduse incarne la femme brute derrière le masque de la coquetterie, il n’échappera pas à Balzac, que cette répugnante chimère, parfaitement femelle, inflige aux yeux trop curieux une correction parfaitement divine. Gorgone est donc cet avertissement métaphorique dont Balzac traduira dans cette seule phrase, Sarrasine dévorait des yeux la statue de Pygmalion... (p37). Ainsi avec souplesse, Balzac enfonce le clou, le mot "froid", une phrase plus loin, souligne la pétrification de Sarrasine. Si la rigidité est évoqué de la sorte elle rappelle inévitablement la froideur du cadavre et du marbre dans lequel sera façonné la Zambinella, l'amour de Sarrazine. Mais Balzac, plus rigoureux encore, achève la métaphore avec une délicieuse image toute aussi psychanalytique que suggestive. En effet, le style du maître est presque indécent tant la colonne sur laquelle est appuyé Sarrazine, à la page 39, joue ici parfaitement son rôle libidinal. Et ainsi pour achever son expression gorgonesque, Balzac, dans une toute petite phrase de quatre mots, fige définitivement Sarrazine en statue, La passion l'avait foudroyé (p39). L'habilité du maître ne s'arrête pourtant pas-là, l'allégorie mythologique de la gorgone trouve également place à la page 11 dans une phrase toute baudelairienne, Avez-vous jamais rencontré de ces femmes dont la beauté foudroyante défie les atteintes de l'âge, et qui semblent à trente-six ans plus désirables qu'elles ne devaient l'être quinze ans plus tôt? De la même manière, dans le même paragraphe, quelques lignes plus loin, Balzac écrit, Aimer ces puissantes sirènes, n'est-ce pas jouer sa vie? Si donc la mort est affilié à la femme et à l'amour dont la gorgone Méduse en est l'expression carnavalesque, il ne faut pas oublier la nouvelle de Flaubert, Hérodias, qui, par une ruse bien féminine, obtint que l'on coupât la tête du Baptiste. Ainsi, Balzac, à la page 61, zigouille la femme dans une tirade non moins aiguisée qu'acérée, - J'aurais toujours dans le souvenir une harpie céleste qui viendra enfoncer ses griffes dans tous mes sentiments d'hommes, et qui signera toutes les autres femmes d'un cachet d'imperfection! Monstre! toi qui ne peut donner la vie à rien, tu m'as dépeuplé la terre de toutes ses femmes.

 On pourra alors aller repêcher la nouvelle de Machiavel (2) dans laquelle la plupart des damnés ont trébuché à cause des femmes. Il faudra rappeler d'ailleurs, à ce propos, le piège à con que représente la coquette qui, depuis Ulysse, n'en n'est pas moins devenu aussi vicieuse que les sirènes qui ont tenté de l’envoûter. Si Machiavel a vu dans les femmes des désagréments insurmontables et des dangers quasi inévitables, Balzac affirme quant à lui, que l'assistance du diable dans cette histoire-là, n'est pas négligeable.

Antoine Carlier Montanari

 

(1) Voir la fiche de lecture du 09/08/2017

(2) Très plaisante nouvelle du démon qui prit femme

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