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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

12 Nov

Un Livre Que J'ai Lu (26) : Note Sur La Suppression Générale Des Partis Politiques (Simone Weil)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu, #Simone Weil

 

 Simone Weil défini le parti politique comme une ingénierie quasi méphistophélique tant sa nature corrompu sert d'avantage sa ligne de conduite que la vérité, Ne sont-ils pas du mal à l’état pur ou presque ? dit-elle page 8.  Nicolas Machiavel tend à cette définition quand il parle de dégénérescence inévitable des espèces de gouvernements (1). Pour Marco Lombardo, homme sage que Dante baptisa de ses vers dans le purgatoire, ce qui rend le monde coupable, dit-il, est le mauvais gouvernement (2). Pour la philosophe française tout parti est totalitaire en germe et en aspiration (p17), parce qu’un parti politique fabrique de la passion collective, exerce une pression collective sur chacun des êtres qui en sont membres et sans aucune limite ne cherche que sa propre croissance (p16). En effet ces mêmes partis politiques tendent à digérer la personne dans le collectif de manière à dissoudre la partie de l'être qui aspirerait à la vérité. Tout naturellement la pensée collective devient pour la personne la seule pensée qui compte et qui vaille la peine d'être défendu. Ce collectif, par l'intermédiaire de sa figure de proue prend pour un bien absolu les commandements de sa propre organisation. En réalité, nous dit Simone Weil, à la page18, ce collectif est incapable de s'élever au-dessus du domaine des faits. C'est pourquoi, le parti se fabrique toujours autour de revendications purement sociales dont les aspirations les plus élevées enferment le public dans des considérations de servilité au système. 

 A partir de là le partis politique est une sorte d'église profane qui éloigne les hommes de Dieu, il se comporte comme un organe de propagande du monde et qui tout en éloignant l'âme des considérations spirituelles, la raccroche par les affects de l'esprit aux besoins immédiat de la chair. Exactement, nous dit Simone Weil, comme si le parti était un animal à l'engrais, et que l'univers eut été créé pour le faire engraisser (p21). Ainsi le parti politique sert d'engraisseur aux masses qui aspirent à devenir des petits bourgeois dont la seule occupation serait de consommer sans produire. La seule croissance matérielle devient alors l'unique critère objectif et salutaire. Le parti politique, en se faisant le relais de ces considérations se fait alors le relais de l'argent. L'importance accordée à cette autorité humaine mène tranquillement l'âme à la damnation sans qu'à aucun moment l'âme ne conçoive sa propre perdition. Le progrès lent, continu et sans limite conduit l'âme, comme nous dirait Balzac, dans son excellent opuscule sur les excitants modernes, dans un état funeste. Voici l'ouvrage en question...qui bénéficiera d'ailleurs d'une prochaine fiche de lecture

 On ne peut donc servir deux maîtres à la fois, si on sert un bien autre que le bien, on perd la notion du bien (p21). Tout naturellement le bien du monde, Mammon, devient le sens de la vérité et de la justice, c’est installer le mensonge au centre même de l’âme (p26). La multiplication des partis, à travers le monde, a  donc relégué la vérité avec un grand « V » à un point de vue strictement personnel. Officiellement, le parti politique, ôte dans l'âme le sens de la vérité et de la justice. C’est pourquoi chercher la vérité, c’est la chercher à vide, c’est là tout le mécanisme de l’attention (p29). L’exemple de Simone Weil, pour expliquer ce terme « à vide » est remarquable. L’exemple  valide l’incorruptibilité du Christ. Si un homme fait des calculs numériques très complexes en sachant qu’il sera fouetté toutes les fois qu’il obtiendra comme résultat un nombre pair, sa situation est très difficile. Quelque chose dans la partie charnelle de l’âme le poussera à donner un petit coup de pouce aux calculs pour obtenir toujours un nombre impair (p31). Accepter de dire la vérité c'est accepter les coups de fouets, mentir c’est assurer son confort, ce que Pierre a fait en reniant par trois fois le Christ. Si donc des hommes de bonne foi font des compromis avec le mensonge, les partis, qui par ailleurs ne semblent pas rechercher la vérité pour la vérité, sont donc essentiellement tournés vers la compromission avec le monde, lequel, dans son principe, constitue le mal théologique. L’obligation de prendre parti, pour ou contre, a neutralisé la réflexion, c’est une lèpre, nous dit Simone Weil, une lèpre qui a pris origine dans les partis politiques et qui a presque contaminé l’humanité entière.

 Que doit-on faire alors? nous demande Simone Weil à la page 31, outre le fait de fuir la situation, le laminoir que constitue l'emprise du parti sur les êtres peut-être rendu caduque par l'exposition de la vérité dans la sphère public. Il est vrai, du moins, que lorsque l'âme commence à discerner la vérité du mensonge elle tente alors de quitter le parti politique qui l'a dressé. Une fois dehors elle mesure l'asservissement qui fut le sien lorsqu'elle était dans le parti. C'est pour elle un changement de paradigme si foudroyant qu'elle tente de convaincre les autres restés dans le parti de le quitter, mais de le quitter non pas pour arrêter le combat, mais pour relativiser la nature de ce combat. Car bien entendu, le parti a le moindre mérite, ici bas, de contenir la volonté de domination des puissances dominantes sur les plus faibles.

 Si l'Eglise catholique, aux yeux de l'auteur, a en quelque sorte immiscée dans l'histoire le mécanisme d'oppression spirituelle et mentale (p32 et 33), il conviendra de dire également que l'esprit de 1789 a multiplié les partis en opposition à  l'idée de l'unique parti que constituait l'Eglise catholique en son temps. Ainsi, voulant réguler la seule oppression du catholicisme, la démocratie a non seulement divisé les peuples mais a conduit à rendre la vérité et la justice aussi pluriel qu'il y a de points de vues personnels (p28).

 Ainsi, à la lumière intérieure de l'évidence et de l'intuition, l'âme, malgré les inquisitions de toutes sortes, se revitalise en cherchant à vaincre ces mêmes inquisitions. Elle échappe ainsi à la simple mesure du "pour" ou du "contre" dont, à vrai dire, une proportion non négligeable de l'humanité en use allègrement pour s'épargner de penser (p36). Ce "pour" et ce "contre" poussent donc l'âme à prendre parti tout en la débarrassant de l'obligation de réfléchir (p43), ce qui la conduit tout naturellement à tomber dans les pièges des sophistes. La seule conclusion qui aille à cette entreprise de démolition universelle peut-être résumé dans cette seule phrase de l'auteur:

Si on confiait au diable l'organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux.

Antoine Carlier Montanari

 

(1) Discours sur la première décade de Tite –Live

(2) Dante Alighieri, La Divine Comédie, Le purgatoire, ChantXVI, v103

 

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