C'est La Fin Des Temps (34)
Les femmes d’Alger, un tableau de Picasso, avait été vendu pour une somme record de 179,3 millions de dollars. La toile cubiste, symbole aléatoire de la modernité picturale est faite de si grandes distorsions géométriques qu’aucunes formes humaines ne semblent correspondre véritablement au discours de la grâce. Cette effusion surabondante de couleurs presque aléatoirement disposée semble avoir reçu le privilège incomparable de dominer outrageusement le marché de l’art. Rien donc d’inattendu pour un monde qui a sacralisé l'urinoir de Duchamps, les colonnes de Buren ou même encore le Plug anale de la place Vendôme. Cette saison semble donc perpétuellement incendiée de l’intérieure, allumant d’elle-même une troublante clarté qui au-dessus du monde, à force de persévérance, finit par l’empoisonner. L’époque n’est plus à la surprise, l’art contemporain a déjà tout délié, tout déraciné, tout déconstruit. Il est donc parfaitement clair que le misérabilisme est devenu un savoir tout autant qu’une science. Les forçats intellectuels ont multiplié les possibilités d’anéantissement et de dépravation, ces dragons de l’art ont superposé leur « savoir-faire » à la beauté naturelle. Ce n’est hélas pas là, la moindre des angoisses qui anime ce monde, elle sait tout, cette saison, ce qu’une nécromancière peut savoir de la manigance. Elle se moque clairement de la bonne foi du pauvre et de la singulière éloquence du travail artisanal, elle est comme ce faux prophète si funeste qui volontairement corrompt le bon sens. Ce « sage ennemi » imprime tout ce qui lui plait dans les âmes comme une peste sur la chair, et qui, par la même puissance que le mensonge noirci le regard avec une extraordinaire persuasion. Mais voilà, en ce mercredi 15 novembre, un Christ de Léonard de Vinci est venu remettre les pendules à Zéro. L’acheteur a mis sur la table plus de 450 millions de dollars pour cette œuvre de la renaissance. Le Salvator Mundi, le sauveur du monde, est devenu ce qu’on appelle plus couramment aujourd’hui "la star des stars". Le Point estime même que ce prix d'acquisition dit surtout autre chose, qui résonne comme une évidence : ce tableau, en réalité, n'a pas de prix. Il est, au sens littéral du terme, inestimable...(1). Cette miraculeuse image, symbole éloquent du Fils de Dieu, restitue sous le pinceau présumé du célèbre maître italien, un point de vue purement majestueux. Ce roi porte justement dans sa main gauche un globe transparent que l’autre main, la droite, bénit. Ce geste de la bénédiction formé par les deux doigts levés, symbolisant la double nature du Christ, humaine et divine, et les trois autres doigts symbolisent quant à eux la Sainte Trinité, est dans la parfaite lumière de la résurrection du Christ, le geste de la purification. Le globe transparent, pur, est cette terre purifiée par le sang du Christ. Ce globe immaculé, comme la Vierge, dont le manteau étoilé magnifiquement peint par le Ciel à Guadalupe, et qui recouvre ici spécifiquement l’épaule gauche de son Fils, est désormais, dans la main gauche du Pancrator, d’une incomparable plénitude. Voilà la promesse du Christ avant l’apocalypse. Ce Salvator Mundi, ce sauveur du monde, est arrivé à point nommé. Dieu, dans son immense sagesse, a certainement utilisé ce moyen d’amplification planétaire pour donner un signe, aux multitudes, de son futur triomphe.
Antoine Carlier Montanari
(1) Le Point, publié le 18/11/2017 à 15h07