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" Notre foi doit être simple et claire, pieuse et intelligente. Il faut étudier, réfléchir pour se faire des convictions, des idées sûres, se donner la peine d'aller jusqu'au fond de soi-même, de ses croyances. » Marthe Robin

10 Sep

Un Livre Que J'ai Lu (10) : L'Athéisme Difficile (Etienne Gilson)

Publié par Alighieridante.over-blog.com  - Catégories :  #Un Livre Que J'ai Lu

 Comme Ernst Jünger, l’auteur de la guerre comme expérience intérieure, Etienne Gilson sera mobilisé pour la grande guerre, il prendra part à la bataille de Verdun. Mais contrairement à Jünger et à Louis-Ferdinand Céline par ailleurs, il sortira de la vision traumatisante du conflit, Gilson œuvrera vers la théologie et la philosophie médiévale. C’est un auteur chrétien, partisan d’une philosophie chrétienne.

 Son ouvrage, l’athéisme difficile, paru en 1979, un an après sa mort, reprend dans un premier temps l’effroyable parole de Nietzsche, « Dieu est mort ». Il ne faudra donc pas s’étonner de l’affolante tirade des Rolling Stones sur le diable. En 1968, Jean-Luc Godard, alors maître parmi les nouveaux maîtres du cinéma français, va se pencher sur ce phénomène. Son documentaire intitulé « Sympathie for the devil » deviendra l’hymne d’une jeunesse entièrement voué au culte du libéralisme. Deux ans plus tôt, le 8 avril 1966, le Time titre, Dieu est-il mort ? (p61) La question, écrite en grand, en rouge sur un fond noir, rappelle bien évidemment la mort du Christ sur la croix. Effectivement la mort de Dieu est effective depuis l’événement du Golgotha, la question du Time valide donc inconsciemment le fait que le Christ est bien Dieu. Toutefois la célèbre revue s’attarde sur  les différents athéismes, notamment celui de l’inattention, comme quoi penser à Dieu prend du temps. Les hommes étant trop occupés aux affaires du monde, ils ont tout naturellement délaissé Dieu. Les faux dieux occupent donc désormais toutes les attentions, laissant ainsi prospérer les matérialistes, les capitalistes, les scientifiques et les marxistes. Entre ces mains-là, la vie est réduite à un état social, essentiellement pratique (p74), qui fera prospérer inévitablement l’idéalisme bourgeois que la réalité communiste va solidifier par le règne de l’athéisme collectif. On peut évoquer ici les paroles du poète allemand Heinrich Heine, l’anéantissement de la foi dans le ciel, a une importance non seulement morale mais aussi politique. Les masses ont cessé de porter leur misère terrestre avec la patience du christianisme et aspirent à la félicité sur cette terre (1). Toutefois si l’athéisme semble avoir eu le dernier mot, il faudra se remémorer les paroles de saint Jean, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » (2) L’expérience nous montre que le fait d’avoir un père et une mère nous oblige, en remontant le temps, à considérer que nos ancêtres eurent également un père et une mère et ainsi de suite jusqu'à remonter à Adam et Eve. Le créationnisme est le principe fondateur de toutes les religions, monothéistes comme polythéistes. Pour les athées convaincus, ils ont délégué ce rôle au hasard. Il faudra donc une alternative compensatoire à l’idée de Dieu, c’est le Surhomme de Nietzsche, le modèle inversé du Christ, l’antéchrist, qui va devenir très rapidement le verbe d’une sagesse furieusement anti déiste. Gilson restaure l’idée que la philosophie doit se nourrir de l’idée de Dieu, c’est pourquoi il s’appuie notamment sur Descartes, Leibniz, Spinoza et Bergson.

 Ainsi, dit-il, si le matérialisme conduit à la négation de Dieu (p76), ce même matérialisme s'adosse à l'athéisme afin que l'athéisme lui-même devienne une religion qui ne dit pas son nom. Cet ordre pratique et purement utilitariste demande toutefois d'avoir la foi en ce "Rien" qui a créé le monde. Il faut donc des anti-Pascal, des Anti-Descartes, des Anti-Augustin dont la dialectique est fondée sur une incroyance tranquille de Dieu. Mais le véritable athée, nous dit Gilson, ne pense plus à Dieu, il ne s'attarde même pas à démontrer la non-existence de Dieu. Mais pour beaucoup d'autres athées par contre l'intuition de Dieu n'est pas tout à fait éteinte (p81). C'est pourquoi le véritable athéisme est rare, quand une grande partie de l'humanité croit encore en Dieu malgré la domination de la société technocratique, la justification purement rationnelle du monde ne peut satisfaire entièrement ces mêmes athées, pour un certain nombre d'entre-eux d'ailleurs, la lecture de l'horoscope est devenu un rituel matinal. De même la société du spectacle laisse entrevoir un infini mystère avec ses programmes paranormaux qui distillent tranquillement l'idée de forces invisibles à l'oeuvre.

 Il y aurait donc l'idée intuitive de Dieu qui s'est exprimée et affinée au cours des siècles. Du polythéisme des primitifs au Dieu unique de la Révélation, l'inné nous susurre à la conscience cette existence première à la vie matérielle. Il serait donc naturel de croire à un premier être, le philosophe musulman Avicenne nommait Dieu, le Premier (p89). L'affirmation de cette existence est la simple affirmation de la paternité de l'humanité, il faut bien que l'humanité est une paternité digne de ce nom! Le mal existant comme un principe biologique bien tangible nous donne à penser qu'il nous faut un Secouriste Suprême qui puisse nous garantir la victoire du bien, la victoire de la vie (p90)!

 Ainsi s'il arrive que l'homme de science, à la suite d'une intuition, oriente ses travaux dans telle direction, l'intuition est donc ce moteur de recherche qui dirige la raison vers un objectif que la conscience pressent comme vrai. De la même manière on peut alors dire que si la raison à l'aide de l'intuition s’accommode de l'idée de cet être suprême aux commandes, et comme cette idée semble être intuitivement commune à toute l'humanité, l'idée serait donc tout naturellement inscrite en nous. L'athéisme serait soit la perte de cette intuition, soit le refus de cette intuition et dans les deux cas la science remplit comme elle le peut le vide qui  vient d'envahir l'âme. Cette dernière s'accroche tant qu'elle peut, avec une grande naïveté à une expérience du monde qui est incapable de répondre au pourquoi des choses.

 Ainsi, nous avons d'un côté Dieu et de l'autre, l'absurdité. De ces deux mesures, la deuxième ne nous ait pas intuitive, elle est né d'une folie raisonnante qui cautionne le néant comme origine de tout. La rationalité première de Dieu a été remplacé par une rationalité étrangère dont la cécité métaphysique et la cécité philosophique font d'elle une sagesse morte (p124).

Antoine Carlier Montanari

 

1. Colère et Temps

2. Evangile selon Saint Jean, chap.1

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