Génération Sacrifiée (8)
L'inclination naturelle est seule cause du goût de l'enfant, il préférera un vulgaire jouet en plastique plutôt qu’un jouet en bois traditionnel, de même il choisira des frites aux épinards, ou encore un dessin animé vulgaire à un documentaire, conséquemment s'il doit faire le meilleur choix il le devra à l'éducation. Il en est de même pour les peuples soumis aux produits de masse de la culture américaine, ils n'auront aucune peine à délaisser leur propre culture, qui bien que millénaire, apparaîtra comme dépassée et ennuyeuse. En ce sens, l'adulte qui n'affine ni ses choix ni son goût, qui bien que possédant sa pleine conscience, sera pareil à l'enfant, et aura été incapable de passer d'un modèle de masse à un modèle sélectif. En effet, si je suis la méthode, et quoi qu'ils puissent dire pour se justifier, beaucoup sont bien mieux accoutumés des parcs d'attractions que des couloirs du Louvre. A partir de là, le modèle américain apparaîtra comme le seul qui mérite d'être défendu. L'Amérique n'a donc plus besoin d'occuper militairement le terrain, sa culture a aliénée comme le jouet en plastique les esprits, lesquels n'ayant reçus ni éducation ni culture classique, ne pourront bien évidemment pas produire la bonne analyse. Les produits dérivés achèveront le reste d'identité nationale, les peuples sevrés à cette culture du désir n'auront même pas le raisonnement suffisant pour comprendre l'état de siège qui est le leur. Dans ces conditions, le déracinement sera communément identifié comme un symptôme aggravé des peuples ainsi colonisés. Il ne faudra donc pas s'attendre de la part de ces peuples à reconnaître qu'ils trahissent la cause nationale, ce serait de l'ordre du miracle pour qu'ils puissent un instant envisager d'inverser le cours des choses, l'aliénation marche en effet à plein régime. En réalité un français ne ressemble plus à un français, un italien à un italien, un espagnol à un espagnol ou un japonais à un japonais, l'affaissement culturel s'est généralisé, le jouet en plastique est presque dans toutes les mains. L’infantilisation s'est propagée avec une efficacité si redoutable qu'on peut se poser la question de savoir si l'homme moderne a déjà été un homme. Ce désarment mental a pour objectif de faire des individus des esclaves à qui l'on a donné des loisirs. Le credo est donc d'avoir, cette nouvelle culture a privilégié le plaisir sur le principe de réalité de sorte que l'être tout entier ne soit plus qu'une statue de chair ou un pantin vivant. Bien entendu un reste de bon sens officie encore même chez les individus les plus marqués, ceux-là sentent que leur qualité d'homme a bien diminuée. On ne peut accorder à cette espèce plus qu'elle n'en mérite, ils ont petit à petit tout sacrifié à l'économie de marché, via une prose humaniste culpabilisante. Edward Bernays avait déjà tout théorisé avec " Propaganda", l'épisode des suffragettes suffit à démontrer toute la subversion derrière le droit des femmes. Des lors que le capital est en marche il utilise aussitôt un droit civique pour être furtif. En cela il s'est empressé de détourner les esprits des champs de la culture traditionnelle non mercantile. Dès lors, les peuples seront alors convaincus que le véritable combat social est dans l'épanouissement de l'individu dont les désirs seront le moteur énergétique. Chacune des passions, des sentiments et des affections sera sollicitée afin que l'individu exacerbe lui-même la seule envie qui vaille, consommer. Ne voit-on pas d'ailleurs ces chez mêmes peuples un goût immodéré pour la trahison quant au quotidien ils se soumettent sans sourciller aux sirènes de cette modernité mercantile? Comment peuvent-ils dans ces conditions revendiquer leurs racines, lesquelles, selon Erich Maria Remarque, qui connut l’exil et qui perdit sa citoyenneté allemande, offrent un moyen essentiel d’être heureux ?
Antoine Carlier Montanari