Le Dessous Des Toiles : Rosemary's Baby (Roman Polanski)
Le film de Roman Polanski renvoie étrangement à celui de Stanley Kubrick sur les sociétés dîtes « secrètes ». Dit-on que les deux réalisateurs aient appartenu à ce genre de cercles mais ce qu'on en dit ne suffit pas à le vérifier et quoi qu'il en soit de la manière dont ils en parlent nous porte à croire qu'ils maîtrisent le sujet. Dans le film de Polanski, le titre du film en dit plus qu'il n'y parait, il faut se reporter à l'anagramme qui est proposé à Rosemary lorsqu'elle reçoit de son ami défunt Hutch un livre sur les sorciers. Le réalisateur reprend à son compte le procédé, si l'on s'attarde quelques instants sur le titre ROSEMARY'S BABY on peut dégager trois mots, la rose, la Vierge Marie et Babylone. La rose est souvent associée à la Vierge parce qu’elle est le symbole des plaies du Christ. Dans l'iconographie catholique, la Vierge au buisson de roses de Martin Schongauer (1473) ou encore la Vierge aux roses de William Bouguereau (1903) peuvent témoigner de cette sémiotique dont le rosaire constituera par excellence la symbolique mariale. A la suite il est donc tout naturel que Sainte Thérèse de Lisieux puisse dire qu’après sa mort elle fera tomber une pluie de roses. Ainsi le nom ROSEMARY porte en lui-même une connotation fortement catholique qui sera vérifié au moment du dîner avec les Castevets, en effet Rosemary affirme qu’elle a été élevée dans la religion catholique, elle est la seule d'ailleurs à prendre la défense du pape lorsque Roman Castevet le fustige. Il est difficile ici de ne pas remarquer le rapport subliminal qui est réalisé ici entre la Vierge Marie, qui est la mère du Christ, le Fils de Dieu, et Rosemary qui sera en effet la mère de l'antéchrist, le fils du diable. En sachant cela, le mot « baby » qui dans son acception première signifie nouveau-né peut également évoquer le mot « Babylone », pour le Littré c'est un lieu de désordre et de crimes, le monde, la société. A cette définition il suffit de faire correspondre l’orientation eschatologique du film pour admettre qu’il existe bel et bien des points communs entre ce bébé et Babylone. Ce qui est intéressant, c'est que le nom de Rosemary, pour les initiés, peut faire allusion au haut grade de Rose-Croix. En effet, chez les francs-maçons, ennemis jurés de l'église du Christ, ce titre, qui est au-dessus de celui de maître, correspond à l'illumination de l'être. Cette Confrérie de la rose croix, nous dit le Littré, est aussi « une secte illuminée du commencement du XVIIe siècle, qui prétendait posséder la sagesse et la piété au suprême degré, forcer à son service les esprits et les démons, et procurer la prochaine instauration de toutes les choses de ce monde en un meilleur état ». Le grade de Rose-Croix, nous dit Jean Kostka (1), contient donc le satanisme à haute dose… La rose plaquée à la croix n’est autre chose que l’annihilation de l’œuvre de la Croix… Ce grade fournit le moyen le plus sûr de rendre nul l’effet de cette croix. Quel est ce moyen ?... Ce cachet de la rose c’est imposer le silence à la Croix. Ainsi toutes ces roses que l’on voit dans l’appartement de Rosemary et de Guy, au moment de la décision de faire un enfant, sont certainement là comme un signe dont le blasphème qu’il véhicule ne peut être bien compris qu’à l’ombre de l’explication précédente. Si donc les Castevets font partie d'une société dite "secrète", et même si le réalisateur ne fait mention d'aucune d'entre elles, les différents rituels et la scène finale sont suffisamment explicitent pour nous mettre sur la piste. Si Satan est la divinité qu'ils honorent, ils forment alors, avec les autres membres participatifs, l'église de Satan, laquelle, aux États-Unis, sera constitué le 30 avril 1966 par Anton LaVey. Il proclama cette année-là comme la première de l’ère satanique. Le 8 avril de cette même année paraît le Time dont la couverture noire est titrée par une question : Dieu est-il mort? Quand Rosemary, dans la salle d'attente du cabinet du docteur Hill, prend le magazine en main, le réalisateur s'attarde avec un gros plan sur la dite couverture. Quelques scènes plus loin elle met au monde l'enfant maudit, on peut alors supposer que l'année de sa naissance est celle de la parution du magazine. Ce fameux chiffre de la bête cité dans l'apocalypse de Jean, est ici symbolisé par une date. La conception de l'enfant qui avait été programmé par Guy, le mari de Rosemary, à des jours bien précis afin de faire correspondre la naissance avec l'année désirée, peut insinuer que Guy est du moins complice avec cette secte satanique. Dans ce cas précis, Guy qui est un acteur de petite envergure, va parvenir à se hisser au statut de producteur grâce à ce réseau, d'où cette idée que le monde du cinéma hollywoodien, au regard des films qu’il produit (2), est inextricablement associé à ce genre de groupes occultes que l’on voit d’habitude accolés aux politiques et aux financiers !
Antoine Carlier Montanari
- Jean Kostka, Lucifer démasqué, p178,179
- Hervé Ryssen, Satan à Hollywood