Le Dessous Des Toiles : Publicité Sephora
Les références au christianisme sont régulières et subtiles, souvent maquillés de profane, ça se passe au niveau de quelques détails, de quelques symboles disséminé par ci par là, et qui interpellent discrètement le spectateur. C'est ce qu'on appelle le subliminal, cette manière opère un détournement religieux, historique, sociologique ou culturel à son seul profit. Ce calque altère d'une manière propre la référence choisie, en aboutissant soit à une allégorie, un plagiat ou une profanation. Dans notre cas, la marque Sephora, dans un premier temps, allégorise la Vierge à l'enfant, que les peintres des siècles passés ont magnifié. On peut penser à Fra Angelico, Giotto, Dürer, Velasquez, mais les maitres italiens sont la référence, à vrai dire ils ont constitué les plus grandes réserves de Madone à l'enfant. Chez les orthodoxes, même si les noms manquent, les icônes à l'or fin constituent la majeure partie des représentations voués à l'adoration. Mais il faut compter sur les représentations originales, laquelle se trouve en Égypte, où elle est figurée dans la pierre ou de bronze par Horus enfant sur les genoux de sa mère Isis. C'est cette sculpture, qui dit-on a initié et inspiré les représentations occidentales de la Vierge à l'enfant. Du point de vue théologique on retrouve la même résonance sacrée, dont l'importance de chacune des deux femmes, dans l'ordre hiérarchique fait correspondre curieusement les deux théologies. Du point de vue géographique, la fuite en Égypte constitue certainement un lien plus qu'évident tant ce passage des évangiles lie les deux destinées, et si l'on tient également compte de la femme de Moïse, qui rappelons-le se prénomme Sephora, tout ce petit monde se retrouve dans cet endroit du monde. Ainsi, sur l'affiche publicitaire de la célèbre marque de parfum, la femme à l'enfant constitue une représentation profane de l'imagerie chrétienne dont on devine que la symbolique sacrée va appuyer le message publicitaire de la marque. On peut ainsi parler de racines chrétiennes, de même lorsque Brian Singer use du mot Apocalypse pour sous-titrer son dernier film (1), il ne fait que penser en chrétien, ce ne sont pas les seuls exemples, Paul Verhoeven, dans son long métrage "Elle", va également user d'une multitude de références chrétiennes, en ajoutant, dans une interview qu’il donne au Figaro, que cette partie du monde, il parle de l'Europe et de l'Amérique, a été élevée dans le chaudron de la religion chrétienne. Ce sont là des exemples récents, empruntés aux tournants du regard et qui, le regard, s'il avait pris la peine de chercher d'avantage, aurait indéniablement fourni une multitude d’autres exemples. Mais ceci étant dit, j’ai soigneusement recherché laquelle des œuvres picturales pourrait raisonnablement correspondre à un éventuel plagiat de la part de Sephora pour son affiche publicitaire. La Vierge à l’enfant avec saint Jean Baptiste de Sandro Botticelli, m’est apparue comme la plus proche, en effet la disposition de la Vierge et de son Fils, l’enlacement de l’enfant et la position des mains de la Mère, les regards qui se croisent, la couleur de la tunique et la présence des carmins sont indéniablement les éléments communs aux deux représentations. Pour tout dire, il s’agit ici d’une réactualisation du thème chrétien, Sephora a usé de la photographie et des outils numériques pour moderniser la maternité. Le produit visé se nomme TOP MAMAN, c’est ici assez subtile, la marque de parfum a choisi implicitement la Vierge Marie comme modèle idéale de mère. Cependant, le passage du sacré au profane est argumenté du chapeau que la jeune dame porte et qui fait office d’auréole, Sephora a maintenu ce symbole afin de sacraliser son image, la profanation est donc visible, suffisamment pour se poser la question sur les motivations de l’enseigne. Déjà, auparavant, la marque avait mené une campagne publicitaire assez subversive, on y voyait une demoiselle en tenue légère tenant une pomme bien rouge, arborant un sourire plutôt malin. Le slogan ne l’était pas moins, " La tentation n’est pas un péché ".
Antoine Carlier Montanari
- Xmen, Apocalypse, 2016