C'est La Fin Des Temps (16)
Je suis toujours intrigué par les grands accidents, c'est le mot accident qui m'interpelle, car par accident on entend fatalité, hasard, phénomène inattendu ou événement malheureux suivant ce qu'en dit le Littré. Pour ma part, c'est une circonstance non éclairée du péché, si vous voulez, une cause mauvaise est toujours à l'origine d'une conséquence mauvaise, si petite soit-t-elle. Dans cet ordre il s'agit de trouver la condition initiale, puis les suivantes, jusqu'à la conséquence qu'on appellera bien évidemment accident. Le 11 septembre une grue s'effondre sur des pèlerins à la Mecque et le 12 septembre une puissante explosion fait au moins 88 morts dans le centre de l'Inde. Ces deux affaires sont couramment expédiées par les médias, la thèse de l'accident suffit à retirer tout intérêt. Même s'il est difficile de déterminer toutes les raisons qui ont entraîné de tels désastres, l'effet du péché, celui d’Ève et d'Adam, est la cause première, celui-ci, le péché, a dressé notre organisme suivant un principe qu'Howard Bloom a nommé Lucifer. Dit-t-il que la nature est toute imprégnée de force et de violence, la mise à mort est de mise, c'est la part bestiale de tout l'édifice, la guerre est même une loi naturelle nous dit Jünger. Ce feu qui nous motive, cette substance particulièrement vorace qui nous anime, c'est le péché, il prend forme de manière évidente lors de la mort. Depuis l'irruption du serpent dans le jardin, les dés semblent avoir été jetés, il suffisait à Dieu de ne jamais y placer l'arbre de la connaissance du bien et du mal, il en aurait été autrement, mais voilà, ce que Dieu voulait, contrairement à tous les autres dieux, c'est de laisser l'homme libre. Eve mange le fruit, convainc Adam, cela engage un nouveau processus, une nouvelle biochimie, la peur, l'humiliation, le péché et la mort. C'est dans le sang, l'athée Howard Bloom vous le fera constater, c'est effrayant, ça se malaxe en nous, rien à faire, chacune des substances biochimiques nous pousse à la force, heureusement que l'équilibre est maintenu, Dieu a fait en sorte de stabiliser toute l'affaire. Le costume n'est plus tout à fait à la bonne taille, mais il a été conçu pour ne pas priver l'homme de sa liberté, bien au contraire c'est dans cette étoffe qu'il pourra réellement montrer toute sa détermination. Voilà ce que voulait Dieu, la libre circulation de l'homme et de ses désirs, à bien y réflechir c'est la meilleure manière d'obtenir de la considération de la part de sa créature. A partir de là, l'homme ne va cesser d'être étourdi, à ce stade toutes sortes d'accidents vont lui causer chagrin et peine, parfois c'est énorme et d'autres fois c'est catastrophique, il aura la fâcheuse habitude de tout dérégler et de tout faire exploser. Il n'y peut rien, c'est dans sa nature, voyez-vous s'il venait à avoir entre les mains quelques puissances il pourrait faire péter toute la planète!
Donc, suivant ce principe, la part du progrès sera décisive, quelques flèches, quelques balles de fusils n'auront que des conséquences limitées sur son environnement, c'est donc une affaire de puissance, plus celle-ci est grande, voir illimitée comme l'énergie nucléaire plus il y a de risque que tout dégénère. Ce vieil usage que d'endeuiller son prochain n'a jamais perdu en force, l'idée lui vient tout naturellement, rappelez-vous le crime de Caïn, il voulait la mort d'Abel, son frère. Ce désir de tuer lui ai venu tout naturellement à cause de la jalousie. Voyez-vous, qui n'a jamais désiré se venger ou désirer la mort pour des personnes que l'on déteste, le massacre de l'ennemi est chose commune et même accepté par tous quand il s'agit de se protéger! "Le ressort principal et fondamental de l'être humain est, comme chez l'animal, l’égoïsme(...) tout ce qui s'oppose à la quête de son égoïsme éveille son indignation, sa colère, sa haine, il tentera de le détruire comme un ennemi." Ces mots d'Arthur Schopenhauer ne font qu'enfoncer le clou, vous voyez qu'il ne faut pas grand chose pour éradiquer ses adversaires. Ça provient directement du péché, dans sa liberté, l'homme ne peut de manière consciente corriger cette volonté, sauf, bien entendu s'il retrouve cette part originelle qui nous a été octroyée, la seule manière est le retour de la grâce divine, laquelle est apportée par le sang précieux versé par le Christ, le nouvel Adam. Le Dieu chrétien, nous dit René Girard (1), est un Dieu qui offre toujours la non-violence, qui, de toutes les manières, annihile tout désir de violence et de sacrifice puisqu'il suscite l'amour de son prochain et surtout celle de ses ennemis. C'est implacable et freine considérablement la propagation de la violence, le Christ a aimer ainsi, jusqu'à la mort, "Il a été mené comme une brebis à la boucherie; Et, comme un agneau muet devant celui qui le tond, Il n'a point ouvert la bouche, prophétise ainsi Isaïe" (2). En l'état, dans cet anti-christianisme instauré depuis les lumières, rien n'empèchera donc l'homme, dans sa liberté, d'arriver à ce point de non retour. C'est l'apocalypse nous dit Girard, Hiroshima et Nagasaki ont été rayés de la carte! Toute cette puissance illimitée est obligée de se retourner contre les hommes puisque l'imitation christique a été évacuée, l'homme est donc coincé, la planète est trop petite pour absorber toute cette force! La contrainte de gagner sur l'autre est naturellement revenu, le message évangélique ne canalise plus la part de Lucifer qui nous malmène. La violence est trop grande, trop forte et maintenant illimitée, elle ne peut se dissoudre, il n'y a plus de place. 2000 ans après aucune autorité n'ose plus parler de ce Dieu non violent, ces mêmes là ont les codes nucléaires. Qui peut alors garantir à l'homme de ne pas s'auto-détruire, la lente dissolution des forces destructives opérée par le message évangélique nous le garantissait, aujourd'hui, alors que l’euthanasie est discutée dans les assemblées et voté dans certaines régions du globe, le suicide use aussi de bien d'autres manières pour s'affirmer, kamikazes, martyrs ou terroristes, c'est la même histoire, ça finit toujours en drame! Mettez leurs entre les mains cette puissance illimitée et vous n'aurez plus de possibilité de revenir en arrière, le temps est donc compté! Bien entendu le message de l'église et de ses papes, la culture de mort dénoncée par Jean Paul II revitalise les consciences, et permet ici ou là de garantir la paix et de freiner quelques ardeurs belliqueuses, mais au fur et à mesure que le temps passe, le monde octroie à la morale chrétienne son Dieu Fils. Le modèle évacué, son refus tacite installe bien évidemment une morale humaine, naturelle, initiée elle même par son principe prédateur. Le serpent se mord la queue, Dieu n'est plus, le Père n'est plus, le monde est orphelin, le monde est névrosé. Freud ayant évacué le diable de l'équation, l'homme est donc entièrement responsable de toutes les fautes, il faut donc l'éliminer, l'euthanasier et non plus l'exorciser. Evidemment cette gnose émule les peuples, plus aucun péché n'est pardonné, plus aucune possibilité de rédemption, la foire Sadienne libère totalement les pulsions, lesquelles soumettent naturellement la raison à ses propres volontés. C'est le retour "à la structure anatomo-physiologique de l'animal humain" pour Michel Bounan, la nature, alors, va pouvoir reprendre le dessus sur l'ancienne morale judéo-chrétienne et se lâcher pleinement, sans temps morts, se sera la fin des temps annoncée par Jean sur l'île de Patmos. Le travail a été bien fait, on appelle cela de l'anti-christianisme. Charles Darwin avait déjà préparé le terrain, sa théorie de l'évolution a éliminé la source divine, l'homme est sorti du trou du cul d'une poule pourra t-on dire, ça revient à ça ou à la même chose, sortir du néant ou d'un gouffre noir, remarquez, il n'y a pas tant de différence que ça! D'ailleurs il ne s'en ait jamais caché: "J'ai le regret de vous informer que je ne crois pas en la Bible comme révélation divine, ni en Jésus Christ en tant que fils de Dieu."(3).
Dans cette atmosphère, toute la machine animale va refluer comme une bête vorace, la jalousie, l'envie, la colère, la haine et tous les désirs liés à notre nature vont irrémédiablement nous court-circuiter, c'est alors qu'arrive l'accident. C'est une autre guerre, celle de l'inconscience, celle-là même qui a engendré Tchernobyl et dans une autre mesure Fukushima, depuis le début je vous le dis, tout est lié à la faute originelle, le moindre accident est dû à une négligence, c'est une forme cachée de notre désobéissance, celle-ci s'affirme naturellement, insidieusement camouflée dans notre comportement, c'est une loi toute destinée à nous rendre imparfait. La grue qui s'effondre sur les pèlerins et l'explosion en Inde sont le fruit de plusieurs négligences, on peut affirmer que de telles conséquences découlent de notre nature déchue. Naturellement rien ne nous garantit qu'une catastrophe de plus grande ampleur ne vienne tout boulverser, une simple erreur peut aujourd'hui provoquer des changements radicaux tant les imbrications entre les hommes sont nombreuses. Tout peut donc vite dégénérer, les effets dévastateurs de nos négligences ont été considérablement amplifiés, les points de rupture deviennent chaotiques, voir apocalyptiques, quelques accidents de cette nature pourront remettre en cause notre avenir. Imaginez un instant qu'une personne, un homme par exemple, ait oublié d'éteindre le gaz dans son appartement avant de partir au travail, il s'en va l'esprit tranquille, puis dans la journée son esprit est troublé par quelque chose, il ne sait pas trop quoi mais cette chose lui occupe tellement l'esprit qu'il provoque malencontreusement une erreur dans un dossier informatique. La personne concernée par ce dossier apprend qu'une partie de son argent a été soustraite, celle-ci entraînant l'annulation d'une série de versements entraînant à leur tour des pénalités et des interdictions bancaires, le temps de tout rétablir, la personne concernée est démoralisée, s'énerve sur ses proches qui eux mêmes finissent par devenir irascibles. En attendant, notre première personne qui a manqué d'éteindre le gaz reçoit un coup de téléphone qui lui indique de se rendre au poste de police pour interrogatoire, son immeuble a brulé causant la mort de plusieurs personnes ainsi qu'une multitude de bléssés . Elle finit par se suicider, sa femme finit par tomber en dépression et son fils, encore trop jeune, est placé en maison d’accueil. Il est bien évident qu'il peut sortir quelque chose de bon de tout cela, il se peut que l'enfant en grandissant devienne un grand pianiste, mais ça ne résout rien, les fautes précédentes ayant engendré de nombreux drames, avec pour chacun d'eux autant d'autres drames, qu'en suivant le principe biochimique que nous avons expliqué, engendrera bien évidemment une autre multitude de drames. La grâce est alors la seule qui permet d'expliquer pourquoi le monde ne s'est déjà pas enflammé, pour ceux en désaccord avec cette explication, il ne pourront raisonnablement affirmer, selon ce qu'en dit la biologie moderne, que l'espèce humaine, par ses seules forces peut maintenir ce fragile équilibre, qui je le rappelle est tributaire de puissances illimitées comme l'est l'énergie nucléaire.
Antoine Carlier Montanari
(1) René Girard (Les grands entretiens d'artpress)
(2) Actes des apôtres 8-32
(3) Le journal le Monde du 18/09/2015