Un Livre Que J'ai Lu (4): Sur Sa Propre Ignorance Et Celle De Beaucoup D'autres (Pétrarque)
Tout comme Nicolas Machiavel, Pétrarque, est un italien amoureux de l'antiquité. Il a plongé son âme au coeur de ce lointain passé que l'esprit de tout un peuple a si noblement travaillé. Les grecs ont exalté la poésie, la philosophie, les arts, la recherche de la vérité, l'éloquence, l'usage de la piété et l'enseignement de la sagesse. C'est donc à cette antiquité que Pétrarque puisera ses richesses. Cicéron incarnera pour lui le meilleur de ce temps mais c'est au Christ qu'il tirera la meilleur part. Pour le préfacier, Etienne Wolff, Pétrarque réconciliera les valeurs de l'antiquité avec les exigences du christianisme (p26).
Pour cela Pétrarque usera de la parole, le verbe est pour lui l'occasion d'affirmer la primauté d'un coeur bien fait, il vaut mieux en effet être traité de bon et d'inculte que le contraire. La culture, dit-il, doit servir à louer Dieu (p48). Les savoirs sont souvent causes de folie et d'orgueil, ils ne contribuent en rien à la vie heureuse (p53). Le Christ valide le bien et le vrai dans l'homme, il est cet aboutissement que Pétrarque défend devant le monde. Ce modèle a défini l'amour comme le seul bien véritable. Il est vrai qu'aucun homme savant, par ailleurs, connu des hommes, n'a su, par ses actes, honorer de la meilleur des manières possible l'amour que le Christ lui même. Il vaut donc mieux renier Aristote que le Christ (p77) et faire comme saint Jérôme, se soucier uniquement de ce que dit le Christ.
En tant que catholique romain, Pétrarque revendique un christianisme doctrinal, lequel fait de la piété une science du bien. La piété est donc le marqueur d'une vraie sagesse (p60), salutaire, qui établi dans l'esprit et dans le coeur, la contemplation de Dieu, du Christ et de sa Création. C'est un bien suprême que de penser la souveraineté divine, c'est ainsi que Cicéron n'ayant pas connu le véritable Dieu affirme pourtant: Or les choses célestes et toutes celles qui obéissent à un ordre éternel ne peuvent être créées par l'homme. Donc ce qui les crée est meilleur que l'homme. Et quel nom donner à ce principe plutôt qu'à Dieu?" (p83). Outre l'absurdité du hasard, comment expliquer qu'une oeuvre aussi grande que l'univers puisse être le fruit d'un non-être dépourvu de conscience et de raison alors que dans un même temps un homme possédant sa pleine maturité intellectuelle peine à comprendre ce même univers?
Indéniablement les apôtres philosophes sont nombreux, ces hommes de bonne volonté ont pensé de plusieurs manières l'autorité suprême. On peut ainsi nommer, parmi beaucoup d'autres, Platon, Plotin, Cicéron et Augustin, Descartes, Pascal, Spinoza, Bergson et Gilson, Girard et Simone Weil et plus près de nous encore François Cheng. Assurément on pourrait établir une généalogie dont les proportions seraient toutes indiquées pour réveiller quelques consciences encore étourdies par les théories darwiniennes. L'ignorance dont parle Pétrarque est cette connaissance mondaine de tout et de rien qui masque en réalité celle qui mène à Dieu.
Antoine Carlier Montanari